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rience, c’est la persuasion, assez fondée d’ailleurs, que les Hanovriens, enchantés de posséder leur souverain chez eux, lui passeront tous ses caprices. De nos jours, même en Allemagne, c’est un calcul dont le succès peut être douteux. Mais il y a une circonstance particulière au nouveau roi qui en détruit l’effet. Sa royauté ne présente aucune garantie pour l’avenir, et c’est un établissement dynastique fort incomplet qui laisse la porte ouverte à bien des éventualités et des chances diverses. L’héritier présomptif de la couronne de Hanovre est frappé de cécité. Le mal a résisté jusqu’à ce jour à tous les efforts de la science. Si ce jeune prince était reconnu inhabile à régner, le sceptre du Hanovre passerait aux mains du duc de Sussex, frère puîné du roi actuel, aussi libéral que son frère l’est peu. Mais le duc de Sussex à son tour n’a pas d’enfans légitimes : du moins les lois anglaises qui régissent la famille royale ne reconnaissent-elles pas son union avec lady Murray, dont il a un fils, assez pauvre d’esprit, qui n’est que trop connu en Allemagne et se fait appeler sir Augustus d’Este. La conclusion de tout ceci est que la couronne de Hanovre pourrait bien appartenir un jour, très prochainement peut-être, au duc de Cambridge, frère des ducs de Sussex et de Cumberland, oncle de la reine Victoria comme eux, et qui a long-temps été vice-roi de Hanovre, où il a laissé une bonne réputation. En cas de difficulté, pourquoi le peuple hanovrien n’aimerait-il pas mieux anticiper de quelque temps sur un avenir si probable ? L’Europe monarchique n’aurait pas, ce nous semble, grand’chose à dire à un pareil avancement d’hoirie.

L’Espagne fait en ce moment l’essai d’un nouveau ministère. Il est composé de M. d’Ofalia, président du conseil et ministre des affaires étrangères, de M. Mon, ministre des finances, de M. le marquis de Someruelos, ministre de l’intérieur, du général Espartero, ministre de la guerre, de M. Castro, ministre de la justice, et de M. Canas, ministre de la marine. Ce cabinet, dont la couleur politique est très modérée, répond assez bien par cela même à l’esprit de la majorité dans les deux chambres, et le général Espartero y représente la réaction militaire opérée entre M. Calatrava et M. Mendizabal. Cependant on peut lui reprocher les antécédens trop peu libéraux de son chef, M. d’Ofalia ; qui est du reste un homme de bien, et de plus, un homme fort éclairé. Ce qui étonne encore dans sa composition, c’est que M. de Toreno, M. Martinez de la Rosa et le général Cordova n’aient pas été appelés à en faire partie, au lieu des deux ou trois noms assez obscurs qui sont groupés autour de M. d’Ofalia. Mais les deux premiers y sont représentés, l’un par M. Mon, et l’autre par M. de Someruelos. Le général Cordova n’y est représenté par personne ; il était même, si nous sommes bien informés, partisan d’une combinaison toute différente. Parti de Paris en mauvaise intelligence avec M. de Toreno, son intention était de chercher appui auprès de M. Villiers, ministre d’Angleterre, et de former, sous sa médiation, un parti nouveau, dans lequel seraient entrés M. Calatrava et quelques-uns des hommes les plus raisonnables de cette nuance. Il ne croyait pas prudent d’exclure entièrement des affaires, comme il l’est maintenant, tout parti qui a gouverné l’Espagne depuis le mois d’août 1836, et qui a résisté avec plus ou moins de succès aux conséquences de la révolution de la Granja. En effet, si le ministère modéré que la reine vient de former ne poussait pas la guerre avec assez d’énergie, faute de volonté ou de moyens, s’il essuyait dans les Provinces quelque sérieux échec, il serait fort à craindre que le parti exalté n’en tirât avantage pour rappeler sur