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LETTRES
SUR L’ÉGYPTE.

Budget et Administration.

Je vous envoie le budget de l’Égypte pour l’année 1250 de l’hégire (10 mai 1834 – 29 avril 1835.) Le budget d’un peuple est le tableau en raccourci de sa vie, l’expression la plus nette et la plus mathématique de sa personnalité. Vous devez bien penser pourtant que ceci n’est point un état de recettes et dépenses contrôlé par une chambre de députés. Les nations constitutionnelles de l’Occident ne craignent pas d’exposer leur situation financière ; elles rendent publiquement leurs comptes. Mais, en administration comme en amour, les Orientaux aiment encore le mystère. Aussi, ce document est-il le fruit de beaucoup de recherches et de travaux. J’en ai puisé les données à des sources, je ne dis pas officielles (car il n’y a rien ici d’officiel en matière du budget), mais authentiques et désintéressées. Pour les recettes, j’ai consulté les négocians, qui connaissent assez exactement le chiffre de chaque récolte ; pour les dépenses, j’ai consulté les employés des diverses branches d’administration. Pour les impôts fonciers et personnels, j’ai eu recours aux principaux mallems. Sans garantir l’exactitude absolue des chiffres (exactitude qu’il est impossible d’obtenir dans un pays administré comme l’Égypte), je puis dire qu’ils se rapprochent très près de la vérité. J’ai accompagné les chiffres de quelques observations comparées.

Dresser le budget de l’Égypte est chose fort difficile, car les Turcs craignent autant de montrer le fond de leur bourse que le fond de leur harem. Au lieu de faire connaître l’état financier du pays, le gouvernement s’efforce de le cacher. Aussi, est-ce avec beaucoup de peine que l’on peut obtenir