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rence établie par M. de Ségur entre l’influence d’un siècle sur un homme, et d’un homme sur son siècle. Nous déclarons ingénuement qu’il nous a été impossible de pénétrer la pensée de l’orateur. Jamais la philosophie, dont M. de Ségur voulait entretenir son auditoire, n’a parlé dans aucun temps, dans aucun pays, une langue aussi confuse, n’a bégayé des mots aussi indistincts.

Mais si l’orateur, profondément convaincu de son insuffisance, renonçait à juger la philosophie française, il ne renonçait pas à briser l’encensoir sur le visage du récipiendaire. Passant de l’excellence historique à l’excellence politique, il a fait de M. Guizot un nouveau Moïse, ou plutôt un nouveau Jehovah. Il a comparé les passions factieuses de notre temps aux flots de la mer Rouge et il a condamné l’historien homme d’état à entendre de ses oreilles ces paroles mémorables et toutes bibliques : « Vous leur avez dit d’une voix toute puissante : vous n’irez pas plus loin. » Certes, l’ambition humaine, si avide qu’elle soit, ne peut souhaiter un éloge plus splendide ; le génie politique n’a jamais été célébré dans un psaume plus humble et plus fervent. Après avoir entendu le panégyrique prononcé par M. de Ségur, la France, si elle ne veut pas mériter le reproche d’ingratitude, doit élever un temple à M. Guizot.


Gustave Planche.