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quent-elles chez lui cette volonté persévérante et sûre d’elle-même qui, selon nous, constitue la véritable ambition ? les alliances parlementaires de M. Guizot satisfont-elles à cette condition d’immutabilité sans laquelle il n’y a qu’une ambition artificielle, nominale, et digne tout au plus de l’estime des enfans ? Il n’y a aucune témérité à se prononcer pour la négative. Savoir ce qui convient aux besoins du pays, connaître sur quelles bases peut se fonder la prospérité présente, à quel prix peut se préparer la prospérité de l’avenir, et poursuivre sans relâche l’application des vérités devenues évidentes pour l’intelligence, c’est là, certainement, une destinée digne d’envie : l’ambition ainsi comprise ne mérite pas la défiance conseillée par M. Guizot. Mais l’ambition qui ne voit dans le maniement des affaires du pays que le plaisir de commander, de concentrer sur soi l’attention publique, d’occuper chaque jour, de ses paroles et de ses projets, les conversations de la France entière, l’occasion de se proclamer à tout propos supérieur à son auditoire, de se donner comme l’unique dépositaire de la vérité, l’ambition, réduite à ces proportions mesquines, mérite non-seulement la défiance, mais encore le dédain ; car cette ambition n’est qu’un nom pompeux sous lequel se cache l’orgueil. Nous laissons à M. Guizot le soin de se juger.

M. Philippe de Ségur, en répondant au récipiendaire, semble avoir essayé de décourager tous les panégyristes. Il a passé en revue les principaux ouvrages de M. Guizot ; et nous devons avouer qu’il a trouvé pour le louer des formes qui, à défaut de nouveauté, ont au moins le mérite de l’emphase. Toutefois, si M. Guizot pèse les complimens au lieu de les compter, il n’a pas dû être satisfait ; car M. de Ségur, en parlant des travaux historiques du nouvel académicien, les a caractérisés assez confusément ; il a compris dans la même série de phrases admiratives l’Histoire de la Civilisation européenne et l’Histoire de la Civilisation française, comme s’il se fût agi d’une histoire unique ; il a exalté cette histoire comme un monument impérissable, comme l’accomplissement d’une immense volonté, comme la réalisation d’une idée trop grande pour être mise en œuvre par un seul homme, et pourtant menée à bonne fin par M. Guizot ; il a remercié son héros de n’avoir pas désespéré, d’avoir repris et continué sa tâche sans s’effrayer des obstacles semés sur sa route. Or, M. Guizot a bonne