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ACADÉMIE FRANÇAISE.

des Lois, a montré qu’il y a place pour les plus grandes beautés du style dans la philosophie politique aussi bien que dans le tableau des passions. Mais M. Guizot, après avoir mis la logique à la place de l’histoire, a oublié de mettre dans la logique le style qui aurait pu donner à l’exposition de ses idées de l’intérêt et de la vie. Je sais que cet avis n’est pas celui des amis de l’auteur ; je sais que plusieurs esprits éminens ont vu dans le second volume de ce livre, qui va jusqu’à la mort de Charles Ier, une théorie complète des révolutions, et qu’ils ont même recommandé ce volume comme une recette excellente et infaillible à l’usage des peuples mécontens et décidés à revendiquer leurs droits. Mais nous sommes loin de partager cet enthousiasme, et tout en reconnaissant l’élévation naturelle et constante des idées développées dans l’histoire de la révolution anglaise, nous sommes forcés de blâmer chez l’auteur une prétention à la généralité qui ne trouve pas toujours à se satisfaire légitimement, c’est-à-dire qui transforme souvent l’expression d’un fait unique pour faire passer ce fait dans le monde des idées, au lieu de résumer dans une idée vraiment générale une série de faits analogues. Ainsi ce livre, qui, dans sa forme, n’est pas littéraire, n’est pas construit d’après une méthode légitime ; le style est diffus en même temps que les motifs de l’enseignement, c’est-à-dire les faits, sont triés avec avarice, et ne justifient pas les idées qui leur servent d’enveloppe.

Ces défauts se retrouvent, et avec plus de saillie encore, dans l’Histoire de la Civilisation européenne et dans l’Histoire de la Civilisation française. La méthode est la même, les résultats devaient être pareils. Mais l’enseignement oral favorisait singulièrement le goût de M. Guizot pour la diffusion, et le professeur a dépassé l’historien dans son dédain pour les formes du style et pour la légitimité des idées générales. Certes, nous ne penserons jamais à nier ni même à contester le mérite de ces deux livres, dont le second, encore inachevé, s’arrête au commencement du xive siècle ; mais nous déclarons sincèrement que ces deux histoires nous paraissent dépourvues à la fois des qualités historiques et des qualités littéraires. Non-seulement les faits n’y sont pas racontés, mais les idées substituées aux faits ne sont pas l’interprétation réelle de tous les faits omis. Plusieurs de ces leçons révèlent un remarquable talent d’analyse ; mais ce talent ne s’applique pas avec le