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REVUE. — CHRONIQUE.

mation du cabinet, prouve que la nuance de M. Guizot dominait alors ; depuis le rejet de la loi de disjonction, il est permis de croire que l’influence de M. Molé augmente, si elle ne domine pas encore. En disant ces choses, nous n’avons pas la prétention de révéler un secret ; tout le monde les sait comme nous, et ce serait feindre que de vouloir les ignorer à présent. L’unité du cabinet existe cependant ; mais elle n’existe que dans une pensée principale, dans celle de la sûreté du roi.

Si donc le ministère succombe par le rejet de la loi de non-révélation et de la loi de disjonction, ce sera la faute de ceux qui ont donné à ces lois une couleur qu’elles ne devaient pas avoir, après tout. Nous ne parlons pas de l’opposition ; c’est son métier, et elle l’a très bien fait. Nous avons en vue les écrivains qui gourmandent le président du conseil, quand il se rend chez le président de la chambre, comme si le chef d’un ministère était jamais dispensé des lois de la politesse envers le représentant d’un pouvoir de l’état ; ceux qui, ayant de reste tant de logique et tant de verve, l’emploient à servir des passions qui ne sont pas même celles de leurs amis, et à épouvanter ceux-là même qui trouveraient un bon côté à leur système. Si la loi de non-révélation est adoptée, au contraire, ce ne sera qu’autant que le ministère effacera cette première impression de la chambre qui s’est manifestée par un vote défavorable, et qui se reproduirait infailliblement en présence de la sœur jumelle de la loi repoussée. Cette tâche appartient à M. Molé, et il ne peut la remplir qu’en adoucissant, par l’autorité qu’il vient d’acquérir, le système politique qu’il a consenti jusqu’à présent. Une vérité triviale à force d’avoir été dite, c’est que la France hait à la fois le despotisme et l’anarchie, les ordonnances de juillet et les journées de juin ; elle se défie également de ceux qui lui disent qu’il faut changer le système électoral, qui s’en vont criant que la chambre ne suffit pas aux besoins de la liberté, et de ceux qui crient tout aussi haut que la Charte ne suffit pas aux besoins du pouvoir. Nulle de ces opinions n’aura d’accès dans la chambre, et la majorité se montrera inexorable envers ceux qui seront même soupçonnés de les encourager et de les répandre. Que le ministère se règle là-dessus. Celui des ministres qui comprendra le mieux cette vérité, sera le plus influent.



F. Buloz.