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faires, qui dominent et transigent tout à la fois selon l’occasion et la nécessité ; avec son gros d’armée qui obéit et répète la parole des chefs ; avec son arrière-garde et ses partisans qui dépassent quelquefois la tête, qui la compromettent, qui l’entraînent et lui font souvent la loi. On ne peut nier que dans ce parti, qui est d’ailleurs bien connu et qui est loin de vouloir cacher ses ressources, on ne veuille avec ardeur l’ordre, la force dans le pouvoir, l’obéissance dans les subordonnés, tout ce qui est indispensable dans une société qui veut durer et ne pas périr à la moindre secousse ; mais enfin ces choses si nécessaires, on les veut là, d’une façon si rude et si absolue, en se préoccupant si peu des nécessités d’en bas et de quelques garanties de plus en plus essentielles, à mesure qu’on augmente la force du pouvoir, que ceux-là même qui voudraient tout ce que veulent les doctrinaires, le veulent autrement qu’eux. Or, c’est ainsi que s’est formé le présent ministère, composé de deux, et même de trois membres qui voulaient l’ordre et la force dans certaines conditions, d’un chef qui veut la force et l’ordre avec une volonté moins âpre, quoique tout aussi prononcée, et de quelques autres qui suivent le flot, lequel grossit toujours du côté de la majorité numérique.

Deux lois politiques seulement ont été présentées par ce cabinet. La première vient d’être rejetée, et les partis encore tout haletans se préparent à se rencontrer de nouveau, quand viendra la discussion de la seconde de ces lois. Nous ne savons ce qui en adviendra, mais il est certain qu’en frappant ces deux lois, la chambre frapperait tout le cabinet.

Il n’est pas très constitutionnel de scruter l’intérieur d’un cabinet et de rechercher la pensée de chacun de ses membres, quand la responsabilité des mesures est en quelque sorte commune ; mais quoi de moins constitutionnel que tout ce qui se passe en ce moment entre la chambre et le ministère ? et nous pouvons bien, sans scrupule, passer outre, comme fait tout le monde en ce temps-ci. On a dit que les deux lois politiques de la session avaient été rédigées à l’insu de M. Molé, et adoptées dans le conseil par une majorité dont il ne faisait pas partie. Ce fait n’est pas exact. Il paraît que M. Molé approuvait, au contraire, la loi de disjonction, et que, ne la regardant pas comme contraire à la Charte, il s’était franchement disposé à la défendre à la fois contre les amendemens du parti ultra-ministériel et contre les attaques de l’opposition. On assure, au contraire, et l’on croit savoir que la loi de non-révélation n’était pas de son goût, et que s’il n’eût obéi qu’à ses penchans (ce qu’on n’est pas toujours maître de faire dans un cabinet, même quand on en est le chef), cette loi n’eût pas été présentée à la chambre.

La chambre jugera cette loi, comme elle a fait pour l’autre, avec certaines idées et certaines préventions qu’on ne peut blâmer et qui sont bien naturelles. Sa manière d’agir lors de ce dernier vote, bien que la forme n’en soit pas irréprochable, prouve que, loin d’avoir méconnu son origine dans ses vieux jours, elle est, au contraire, restée tout-à-fait l’enfant de ses pères et le fruit de l’œuvre populaire des électeurs. Il faut se mettre à tous les points de vue. Le point de vue de la chambre ne peut être tout-à-fait celui du ministère. Celle-ci a beau venir chez les minis-