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on ne parlait que du faste inouI déployé dans la mise en scène et de la variété des costumes. Si vous cherchiez à savoir dans quel système la musique de M. Niedermeyer était écrite, on vous disait qu’il y avait au quatrième acte un triomphe au Capitole dont on attendait merveille ; et si, peu satisfait, vous risquiez une nouvelle question, demandant si le maître avait dérogé à la coutume usitée aujourd’hui à l’Opéra, et si l’on entendrait cette fois une ouverture, on vous répondait qu’à la vérité il n’y avait pas d’ouverture à la partition de M. Niedermeyer, mais qu’on voyait au cinquième acte le doge se marier avec l’Adriatique. Cette admiration du spectacle matériel qui préoccupait tant les gens de l’endroit s’est emparée du public le jour de la représentation, si bien qu’il ne s’est pas douté une minute que sous cet océan de soie et d’or soupirait une musique agréable et digne en tout point d’un meilleur destin. Le moyen en effet, lorsque l’on n’est qu’un musicien ingénieux et facile, d’attirer sur soi l’attention que tant d’objets de toutes les couleurs vous disputent et finissent toujours par vous ravir. Pour une pareille tâche il faudrait Mozart. Au point où l’on en est venu avec cet insatiable plaisir des yeux, c’est désormais entre la musique et la mise en scène une lutte à mort. Dernièrement la musique en est sortie victorieuse, grâce à Meyerbeer, mais aussi cette fois, il faut le dire, elle a échoué.

Dans le principe, l’opéra de Stradella avait été conçu en deux actes. L’ancien directeurs comprit très bien qu’avec un sujet pareil, qui ne comportait guère qu’une scène, il n’y avait pas de salut au-delà de cette limite. Nous ignorons tout-à-fait par quel enchaînement de circonstances malheureuses et d’imprudentes réflexions on en est arrivé à vouloir développer ainsi cette pièce hors de toute mesure raisonnable, et convertir une idée qui, traitée par des hommes d’esprit et de goût, pouvait devenir, après tout, un fort honnête prétexte à de la musique, en je ne sais quelle parade d’arlequins et de clowns qui recommence à chaque scène, et pourrait à merveille ne finir jamais. Encore si tout cela avait été accompli dans l’intérêt de la musique, nul n’aurait osé se plaindre. Mais non, la musique de M. Niedermeyer ne demandait pas qu’on lui fît tant honneur. Telle en est la nature délicate et fragile que le moindre espace lui suffit ; le grand air l’étouffe et la disperse. Cette musique doit être fort à son aise dans le cercle étroit de deux actes, et se complaire surtout dans un petit salon, chantée au piano modestement. J’imagine que ces développemens ridicules ont leur principe dans quelque raison bien autrement grave que le lecteur appréciera. Si donc l’on s’est permis d’élargir cette pièce de Stradella hors de toute proportion, c’était pour obéir à certaines exigences qui dominent singulièrement aujourd’hui toute question de poésie et de musique. Il ne s’agis-