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Hermione n’est plus qu’une bien triste Aricie. Mon ami, j’ai bien souffert ! » Et lui, sans douter d’elle, sans croire à la mort de l’amour, ne pouvait pourtant se dissimuler un changement essentiel. Il se disait qu’elle ne l’aimait plus autant, qu’elle ne l’aimait plus de la même manière qu’aux autres absences des dernières années ; que quelque chose s’était calmé en elle à son sujet ; et, tout en se répétant cela dans l’avenue la plus enfoncée et la plus ténébreuse où il passait ses journées, il heurtait machinalement du pied chaque tronc d’arbre, il aspirait le soupir du vent à travers les feuilles à peine émues, et se surprenait à désirer de se perdre bientôt dans d’autres élysées funèbres, sans plus garder de sentiment immortel ni de souvenir.

La crise était grave. Cet amour sans infidélité, sans soupçons, sans accident du dehors, se mourait, en quelque sorte, de lui-même et de sa propre langueur. Quant à M. de Murçay pourtant, son sentiment, un peu éclipsé durant le règne enflammé de l’autre, recommençait à briller dans sa nuance la plus douce, et cette saison solitaire lui était d’un attendrissement inexprimable, dont les plaintes n’arrivaient qu’imparfaites dans ses lettres à Mme de Pontivy.

Tout pour lui donnait cours et sujet à l’unique pensée. Que ne le savait-elle ? que ne le suivait-elle dans les bois ? Il était sorti un matin selon son habitude ; les derniers jours avaient été ardens ; et il regagnait son avenue voilée, quoique le ciel, ce jour-là, fût plus frais et comme formé d’un dais de petits nuages suspendus. Il remarquait pour la première fois quelque arbre qui avait déjà jonché la terre de ses feuilles jaunies : « Oh ! ce n’est pas l’automne, c’est un coup de soleil, disait-il ; c’est ce pauvre arbuste des îles qui se dépouille avant l’heure. » Mais, le soir, quand les nuages eurent fui, et qu’il vit vers les collines, sur un horizon transparent et froid, la lune naissante, il comprit que c’était l’automne, venu cette année-là plus tôt, et il en tirait présage, se demandant et demandant à ce croissant, à ce ciel pâli, à la nuit, si c’était déjà aussi l’automne de l’amour.

Il y avait des momens plus sombres et comme désespérés, quand le silence de Mme de Pontivy, après une lettre tendre qu’il avait écrite, se prolongeait trop long-temps. Il errait aux endroits les