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Hâtons-nous d’ajouter, pour être vrai, que les efforts de l’administration ont été puissamment secondés par quelques hommes d’intelligence et d’action, qui, depuis six ans, ont fait de la cause du progrès leur propre cause, et que l’on est sûr de trouver partout où il y a quelque chose d’utile et de généreux à accomplir. C’est surtout à ces vaillans pionniers de l’avenir, qui, la plupart, ont traversé le saint-simonisme à marches forcées et sans s’y arrêter, que Nantes doit les essais philantropiques tentés depuis quelque temps. Grâce à eux, de nouvelles institutions ont pris racine à côté des anciennes qu’ils ont ravivées, et une sorte de lien s’est formé entre les établissemens nés de la charité chrétienne, et ceux fondés sous l’inspiration sociale. On doit donc à leurs efforts cette espèce d’organisation, encore confuse et composée d’élémens divers aujourd’hui, qui se dessine à Nantes. À travers le constitutionalisme égoïste de la grande ville, on y entrevoit déjà je ne sais quelle association élémentaire, quelque chose d’analogue à l’antique commune, cette admirable union inventée par nos ancêtres, et que resserraient les deux liens les plus forts de la terre : la religion et la liberté.

En effet, les institutions de bienfaisance sont tellement combinées à Nantes, que l’une continue l’autre et la complète. Aussitôt qu’une femme du peuple se trouve enceinte, elle se présente à la société de la charité maternelle, composée de dames riches et jeunes pour la plupart. Celles-ci l’interrogent pour connaître ses besoins ; le trousseau de l’enfant est préparé d’avance, le médecin averti. Dès que le nouveau-né a vu le jour, la Société maternelle envoie une de ses associées pour s’assurer que rien ne manque à la malade ; la grande dame vient visiter la pauvre accouchée, et toutes deux s’entendent, car toutes deux sont femmes ; toutes deux ont passé par les mêmes souffrances, et la communauté des infirmités amène bien vite l’égalité. Une fois la mère rétablie, afin que le besoin ne la force pas à négliger ses devoirs de nourrice, la Société lui paie le temps qu’elle consacre à son enfant. Celui-ci grandit ainsi, entouré de soins, jusqu’à ce qu’il ait atteint trois ans. Alors la mère le conduit aux salles d’asile où il trouve à la fois du bien-être, d’utiles exemples et une première instruction.

Nous connaissions déjà les salles d’asile de plusieurs villes, lorsque nous visitâmes celles de Nantes en 1836 ; mais ce que nous