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MADAME DE PONTIVY.

qu’effrayait cette idée d’une parente compromise. Pour elle, elle ne songeait qu’à obtenir, à force de démarches, la grace de son mari, ou du moins le maintien des biens en vue de sa fille ; car elle avait, de la première année de son mariage, une fille qu’elle chérissait avec une passion singulière, telle que M. de Pontivy n’en avait jamais excité en elle, et qui donnait à entrevoir la puissance de tendresse de cette ame encore confuse.

Établie chez sa tante, elle se trouva dans le monde le plus différent de celui qu’elle venait de quitter, dans un monde pourtant à sa manière presque aussi belliqueux. On était au fort des intrigues molinistes, et Mme de Noyon, sa tante, liée avec les Tencin, les Rohan, tenait bannière levée pour ce parti. Mais à travers toutes les sortes de discussions sur la bulle, et au plus vif de ses propres inquiétudes pour obtenir la grace impossible de son mari, Mme de Pontivy rencontra chez sa tante M. de Murçay.

M. de Murçay était un caractère très à part, fort peu extérieur et tout nuancé, qu’elle n’aurait jamais eu l’occasion d’apprécier sans doute, si, pour lui rendre service dans l’angoisse touchante où il la vit, il ne s’était approché d’elle avec plus d’entraînement qu’il n’avait coutume. Allié ou parent éloigné de Mme de Maintenon, il était né protestant ; on l’avait converti de bonne heure à la religion catholique. Fort jeune, il avait servi avec distinction dans la dernière guerre de Louis XIV, et il avait été honoré à Denain d’une magnifique apostrophe de Villars. Mais une délicatesse très éveillée et très fine lui eût défendu, même si ce règne avait duré, de se prévaloir de la faveur de sa parente et des avantages d’une conversion imposée à son enfance. Il rougissait à ce seul souvenir, peu calviniste d’ailleurs, aussi bien que légèrement catholique, homme sensible, comme bientôt on allait dire, inclinant à la philosophie, mais dissimulant tout cela sous une discrétion habituelle. Le poli de ses dehors recouvrait à la fois un caractère ferme et un cœur tendre. Quoique l’expiration du règne de Louis XIV et de la dévotion régnante fussent pour lui un énorme poids de moins, quoiqu’il se sentît avec joie délivré de cette condition de faveur à laquelle il aurait pu difficilement se soustraire, et dont l’idée le blessait par une honte secrète (lui converti, enfant, par astuce et intérêt), pourtant il ne voyait dans la régence qu’un débordement déplorable et la ruine de toutes les nobles mœurs. Sa pensée se