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breuse, et composée de personnes pour la plupart fort opposées à la révolution. Un certain nombre d’officiers se tenaient dans une pièce entre les salles ordinaires des gardes et les chambres du roi et de la reine, où les étrangers n’entraient qu’en traversant cette petite garde ; la famille royale pouvait éviter une semblable gêne par une communication directe entre ses appartemens[1]. Le roi exprima, lorsqu’il fut remis en liberté, sa satisfaction aux officiers de la garde intérieure ; l’un d’eux, M. Guingelo, commandant de bataillon, s’est fait tuer, le 10 août 1792, pour le défendre. Cet état de choses dura jusqu’à l’achèvement de la constitution[2].

Dès le premier jour, l’assemblée avait nommé des commissaires pour faire au roi une suite de questions ; ce furent MM. d’André, Tronchet et Duport. Ils se conduisirent, non seulement avec respect, mais avec une grande bienveillance, et pour n’en donner qu’une preuve, ils remirent au lendemain la conversation avec la reine, pour lui donner le temps de concerter avec le roi des réponses conformes à celles qu’il avait faites[3].

  1. On a répandu les plus grossières calomnies sur ce qui se passa alors. Il est probable qu’on retrouverait à Paris les instructions de Lafayette, ou du moins le témoignage des officiers chargés de cette garde intérieure. Il faudrait distinguer ce qui leur fut ordonné de ce que plusieurs d’entre eux, en vertu de leur responsabilité personnelle et des inquiétudes publiques, ont pu croire momentanément nécessaire à leur propre sûreté ou au repos de la famille royale, et surtout de ce que le roi et la reine affectaient de faire pour aggraver leur sort. On a cité l’exemple de la reine, qui appelait l’officier de service pour l’avoir dans son lit ; on se rappelle aussi que lorsque les commissaires de l’assemblée allèrent chez elle, elle affecta, comme on peut le vérifier par M. Tronchet, de leur donner des fauteuils et de prendre pour elle une chaise. En peut-on conclure que l’assemblée avait ordonné ce cérémonial ? On ne doit pas oublier que, pendant la surveillance de la famille royale, le peuple et les partis furent très agités ; que les trois factions, jacobine, orléaniste ou aristocratique, tendaient au désordre, chacune selon ses vues particulières ; qu’on cherchait continuellement à persuader que le roi était parti ou allait partir, etc. Lafayette fut dénoncé plusieurs fois, une entre autres aux comités de l’assemblée par le député Sillery, instrument du duc d’Orléans. Enfin, presque toutes les nuits, les officiers de garde étaient troublés par des alarmes du dehors, et, par toutes ces considérations, ils étaient forcés, autant pour la sûreté de la famille royale que pour leur propre intérêt, à prendre des précautions.

    (Note du général Lafayette.)

  2. Depuis le 25 juin jusqu’au 3 septembre.
  3. La reine avait fait dire qu’elle était dans le bain, ce qui servit de prétexte aux commissaires pour retarder leur conversation avec elle. — Quant aux personnes arrêtées avec le roi, qui avaient tramé le complot d’évasion ou celles qui ne firent qu’y participer accidentellement, sans être dans la confidence, comme plusieurs officiers par exemple, il est bien reconnu que toutes eurent à se louer des égards qu’on eut pour elles. Mme de Tourzel, gouvernante des enfans de France, avait dû d’abord être emprisonnée ; elle resta au château sous la garde particulière d’un officier. On peut citer