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MÉMOIRES DE LAFAYETTE.

lorsque l’aide-de-camp de Lafayette[1] lui apprit qu’il existait encore à la tête de la garde nationale. Les membres de la droite furent très mécontens d’avoir été ainsi abandonnés, et M. de Cazalès le laissa voir dans plusieurs comités réunis de l’assemblée.

Lafayette, instruit de cet évènement, d’abord par M. d’André, député, et presque en même temps par des officiers nationaux, courut aux Tuileries ; il fut joint dans la rue par le maire Bailly et par Beauharnais, président de l’assemblée et premier mari de l’impératrice Joséphine. Tout était obscur dans ce départ ; on ignorait jusqu’à quel point il avait été concerté avec les puissances étrangères, si une invasion ne devait pas avoir lieu et si la guerre civile n’avait pas été organisée. M. de Bouillé assure dans ses Mémoires que le roi lui avait fait dire qu’un corps d’Autrichiens devait être envoyé à Luxembourg ; et quoique ceux-ci, d’après leurs lenteurs ordinaires, ne se soient pas pressés d’exécuter l’arrangement, les intentions du roi n’en sont pas moins claires aujourd’hui ; les Mémoires de M. de Bouillé et ceux de M. de Choiseul sont bons à consulter sur cette évasion. En s’affligeant du péril de la chose publique, le président de l’assemblée et le maire exprimaient leurs regrets du temps qui serait perdu jusqu’à ce que l’assemblée, convoquée à l’instant, pût donner des ordres.

Pensez-vous, leur dit Lafayette, que l’arrestation du roi et de sa famille est nécessaire au salut public et peut seule garantir de la guerre civile ? — La réponse n’était pas douteuse. Hé bien ! j’en prends sur moi la responsabilité. Il écrivit de sa main un billet portant que les ennemis de la patrie ayant enlevé le roi et sa famille, il était ordonné à tous les gardes nationaux et à tous les citoyens de les arrêter ; il dicta le même billet à tous ceux qui se présentèrent, en signa les copies, et des officiers de la garde nationale partirent sur toutes les routes. Heureusement pour lui (après les atrocités éprouvées par ces augustes victimes), ce ne furent pas à ses ordres, mais à l’accident d’être reconnus par un maître de poste, et à de mauvais arrangemens, que fut due leur arrestation.

Cependant la foule du peuple s’assemblait ; la colère allait croissant contre les gardes nationaux de la sixième division qui étaient

  1. M. Louis Romeuf.