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LES ORANGS.

que sur deux pieds ; on pouvait leur apprendre à bien jouer de la flûte, de la guitare… Bref, il y avait peu de talens qu’ils ne fussent capables d’acquérir. Dire après cela qu’on leur faisait balayer le logis, tourner la broche, piler dans un mortier, et faire en un mot tout l’ouvrage d’un domestique, c’était une chose trop simple pour qu’on y fît attention… »

Je laisse de côté une autre citation relative à des animaux qu’un certain voyageur natif de Ferrare disait avoir vus dans la Marmarique, auprès d’Augela (Audjelah, désert de Barca, dans l’état de Tripoli), animaux qui, à l’extérieur, ressemblaient à un homme, mais dont les organes intérieurs étaient comme ceux de la brebis, et qui effectivement ne se nourrissaient que d’herbes.

Ce qui est étrange, c’est que Peiresc, qui entretenait des relations avec tous les savans de l’Europe, ait pu ignorer que l’animal, objet des contes ridicules du médecin Noël et du Ferrarais, avait été vu tout récemment en Europe, dans une des villes les plus fréquentées, où très probablement il vivait encore à cette époque. Des marchands hollandais en avaient apporté d’Afrique un jeune individu, pour en faire présent au stathouder Frédéric-Henri, prince d’Orange. C’est celui que Tulpius, quelques années plus tard, fit connaître dans ses Observationes medicæ, ouvrage publié en 1636, c’est-à-dire cinq ans avant celui de Gassendi. Tulpius en parle sous le nom de Satyre indien, nom assez mal trouvé pour un animal apporté de la côte d’Angola, comme il prend soin lui-même de nous en informer ; il pensait au reste que c’était la même espèce qui se trouvait en Afrique et aux Indes.

« Ce satyre, dit-il, est un quadrupède auquel, à cause de la ressemblance de ses formes avec les formes humaines, les Indiens ont donné le nom d’orang-outang qui signifie homme des bois ; les Africains le nomment quoias-morrou. Celui que j’ai vu avait à peu près la taille d’un enfant de trois ans, mais par la grosseur il représentait un enfant de six ans au moins. Il n’était ni gras ni maigre, mais bâti carrément, ce qui ne l’empêchait pas d’être très leste et très agile ; ses membres bien attachés et bien fournis indiquaient assez qu’il devait être doué d’une grande force, et, en effet, il n’y avait rien pour ainsi dire qu’il n’osât et ne put faire.

« La partie antérieure de son corps était à peu près nue ; la partie postérieure, au contraire, était partout couverte d’un poil noir