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du système fondé sur le principe opposé ? Or, en représentant par des noms propres les diverses fractions parlementaires de l’opinion bourgeoise ou dynastique, n’est-ilpas évident que M. Thiers est encore plus centralisateur que M. Guizot, et que M. Barrot hésite à compromettre le succès de ses théories politiques par la complète énonciation de ses théories municipales ?

À cet égard, quelques illusions étaient permises en 1830, et pour notre compte, nous déclarons les avoir jusqu’à un certain point partagées. L’erreur venait de ce que l’on considérait l’organisation administrative de la France comme relevant directement de Napoléon, tandis que son principe, proclamé en 89, s’enlaçait étroitement à l’avènement politique de la bourgeoisie. Il eût fallu comprendre que si l’empire en fit un puissant instrument de guerre, cette organisation est par elle-même essentiellement pacifique et productrice, qu’elle se combine avec une grande somme de libertés politiques, ne s’arrêtant que là où nos mœurs s’arrêtent. Aussi voyez quel retentissement a obtenu la résurrection provinciale si bruyamment vaticinée par le parti légitimiste. Vingt gazettes se sont vainement évertuées à rendre à la circulation ces frustes médailles ; et pendant qu’elles s’élevaient avec une indignation de commande contre le despotisme de la centralisation parisienne, doublures sans inspiration et sans génie propre, elles le subissaient jusque dans ses plus tristes exigences.

À la résurrection provinciale, ce parti lia d’une façon non moins infructueuse l’idée de l’administration gratuite. Ce fut une étrange tentative que de jeter une théorie, accessoire obligé d’une constitution aristocratique, au sein d’une société où tout la repousse ; l’établissement du salaire pour tous les services publics est en effet la conséquence la plus directe du gouvernement par la classe moyenne. Les raisons en sont si évidentes, qu’il semble fort inutile de les déduire. Dans un siècle où chaque génération est contrainte de se faire à elle-même sa place et sa fortune, où en face d’une ombrageuse publicité, le pouvoir n’offre guère que des difficultés sans compensation, sa conquête impose trop de sacrifices, pour qu’elle soit vivement poursuivie par la classe qui peut le plus aisément s’en passer.

La scission opérée par la révolution de juillet entre le gouverne-