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la loi ne soient sur ce point hautement sanctionnées par les mœurs. Les grandes existences territoriales sont désormais impossibles en France, et la restauration s’est brisée contre cet axiome. Mais un mouvement parallèle et simultané ne s’opère-t-il pas au sein de la petite propriété ? À mesure que les difficultés de la culture augmentent par l’impuissance de se procurer les premiers élémens du travail pour des parcelles subdivisées à l’infini, les petites cotes ne disparaissent-elles pas plus rapidement encore que les grandes ne s’abaissent ? Il paraît résulter des documens recueillis par l’administration, qu’à mesure que la loi frappe d’un côté la propriété du riche, la nécessité atteint de l’autre la propriété du pauvre, et qu’une propriété moyenne, chaque jour plus nombreuse et plus compacte, se constitue sur les débris de l’une et de l’autre[1].

Tendance des petits propriétaires à renoncer à la possession onéreuse du sol, pour donner à leurs faibles capitaux un placement plus lucratif ; abaissement de la grande propriété par l’effet de la division continue ; diminution simultanée des grandes et des petites fortunes : telle nous semble la double loi dont la combinaison préside déjà et présidera plus manifestement encore dans l’avenir au mouvement territorial en France, et probablement en Europe.

Dira-t-on que la richesse mobilière viendra créer, pour les classes inférieures, une compensation à cette propriété de la terre qui leur échappe ou qu’elles répudient ? Penserait-on qu’elles dussent bénéficier directement, et grandir en importance sociale par la plus-value que les travaux d’art et d’industrie imprimeront à la production ? Nul n’espère plus que moi voir s’amélio-

  1. Ce résultat a été constaté d’une manière fort remarquable pour le département que nous habitons, lequel, étant presque exclusivement agricole, fait autorité sur ce point. Il résulte des documens recueillis dans le Finistère, pour un espace de douze années, que si l’on suit une à une les diverses cotes composant le nombre d’articles appartenant à chaque commune, pour les comparer d’un terme à l’autre, on remarquera que les cotes de 1 à 5 fr., de 5 à 10 fr., de 10 à 20 fr., de 20 à 40 fr., de 40 à 60 fr., ont sensiblement baissé en nombre de 1823 à 1834 ; que celles de 60 à 80 fr., de 80 à 100 fr., de 100 à 150 fr., de 150 à 200 fr., et de 200 à 300 fr., se sont, au contraire, à peu près maintenues au pair ; que celles de 300 à 400 fr. se sont élevées d’un dixième du nombre, tandis que celles de 400 à 500 fr. et au-dessus ont baissé d’un cinquième environ. — Ainsi, la moyenne propriété n’a rien perdu ou presque rien quant au nombre de ses cotes ; la petite propriété, au contraire, a perdu dans la masse 15 p. 100 ; et si l’on observe en particulier les cotes les plus inférieures, on trouve que celles de 1 à 5 fr. ont perdu 18 p. 100. (Recherches statistiques sur le Finistère, publiées par la Société d’émulation de Quimper, deuxième partie.)