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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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28 février 1837.



Nous recevons de Tunis des renseignemens intéressans sur la situation de Constantine. Ces renseignemens ont été recueillis à Tunis, de la bouche de quelques voyageurs qui faisaient partie d’une caravane arrivée en cette ville le 8 février. Le bey de Tunis est très peu disposé à accorder des secours efficaces au bey de Constantine, et à l’aider autrement que par des prières au prophète. De grands obstacles s’opposent à l’union des deux beys. Celui de Constantine n’a pas oublié les mauvais procédés et même l’inimitié ouverte du bey de Tunis, quand le dey d’Alger le tenait sous sa domination. En 1831, des négociations furent ouvertes pour déposséder Achmet de son beylik, et Achmet ne les a pas ignorées. Le bey de Tunis sait qu’Achmet est en relation avec le pacha de Tripoli ; il sait aussi que la Porte, qui a des projets hostiles contre lui, soutient le bey de Constantine ; il évitera donc à la fois de rendre son adversaire trop puissant et de déplaire à la Porte, en l’abandonnant d’une manière trop ouverte. D’ailleurs les deux beys ont un point d’union ; le danger que court la religion orthodoxe par les progrès de l’armée française, motif bien faible, mais qui cesserait entièrement si nous avions la bonne politique des Anglais dans leurs possessions des Indes, et si nous eussions montré, nous ne dirons pas plus de tolérance, car ce n’est pas le fanatisme religieux qui domine nos soldats, mais moins de mépris pour la religion de nos sujets mahométans dans nos possessions d’Afrique. La Russie, que nous regardons comme moins avancée et moins éclairée que nous, peut cependant nous offrir de bons exemples à suivre. Dans ses voyages au sud de l’empire, l’empereur fait sa prière dans les mosquées, et les soldats musulmans accomplissent, sans qu’on les trouble, leurs ablutions légales jusque dans le palais du souverain à Saint-Pétersbourg. Une discipline sévère à cet égard dans notre armée équivaudrait à un renfort de cent mille hommes.

Le bey de Tunis et celui de Tripoli vivent en bons rapports. Une goëlette arrivée de Tunis à Tripoli a apporté au bey des lettres qui ont paru le satisfaire. Cependant cinq cents chevaux que demandait Tahir-Pacha au bey de Tunis lui ont été refusés, sous prétexte que les chevaux sont très rares.

Les voyageurs les mieux instruits, parmi ceux qui composaient la caravane de Constantine à Tunis, s’accordaient à présenter ainsi la situation de cette première ville. Le bey compte cinq à six mille combattans