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REVUE DES DEUX MONDES.

Bien, bien, mon jeune enfant, plonge jusqu’à l’aisselle
Ton bras dans le sang des tyrans ;
Bien, bien, frappe toujours ! frappe, redouble encore,
Ce sang ne salit pas les mains !

Ce qu’il y a de plus curieux dans tout le poème, c’est un certain nombre de sentences, tant en vers qu’en prose, placées sous la forme d’épigraphes en tête des divers chants, et qui, réunies, formeraient une inappréciable collection d’aphorismes politiques. « La démocratie froisse la noblesse. — Ce ne sont pas toujours ceux qui font les révolutions qui en profitent. — Souvent les tyrans poussent à l’émeute pour écrémer les peuples. » Ce sont là des maximes de M. Foy prises au hasard entre mille autres, où le bonheur de l’expression est au niveau de l’originalité et de la hardiesse de la pensée.

Si furieux que soit son acharnement poétique contre la royauté, M. Foy n’est au fond qu’un libéral fort raisonnable et modéré. C’est ainsi qu’en matière électorale il se borne à demander, avec l’opposition dynastique, l’extension du vote aux capacités :

Je crois que pour voter il faut à la vertu
Joindre quelque savoir.

Ce que c’est qu’un poète pour résumer en quelques mots pleins d’autorité les monceaux de dissertations des publicistes en prose ! Effectivement, nous avons des électeurs vertueux ; mais il faudrait qu’ils joignissent le savoir à la vertu. Voilà toute la question. Direz-vous maintenant que M. Foy n’est pas aussi fort en politique qu’en poésie ?

Les explorations du monde poétique ne connaissent plus de bornes. Depuis la poésie légère et la poésie didactique, présentement délaissées, combien d’autres poésies découvertes, qui ne sont pas moins intéressantes ! Nous avons signalé nous-mêmes et recommandé les plus récentes, la poésie catholique, la poésie de l’avenir, la poésie désespérée, la poésie repentante. Il nous reste à remplir un pénible devoir. Nous avons à dénoncer la poésie anthropophage.

C’est sur l’auteur anonyme du recueil intitulé : Il Tormento, que pèse la responsabilité de cette nouvelle poésie. Il Tormento ! le tourment ! Ce titre parle de lui-même. Préparez-vous à une poésie tout infernale et barbare. Remarquez, en outre, qu’afin d’ajouter encore à l’impression lugubre qui vous vient assaillir dès le frontispice du livre, le poète y a cloué une épigraphe chinoise d’autant plus alarmante, que vous n’en comprenez pas le sens. Le lasciate ogni speranza, écrit sur la porte de l’enfer, était moins effrayant.

Il y aurait de l’injustice à penser que l’auteur d’Il Tormento s’est livré