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REVUE LITTÉRAIRE.

pris soin de vous avertir lui-même qu’il a réuni les rameaux épars de ses Branches de Saule, uniquement afin de ne les pas laisser mourir isolément. Ne voilà-t-il pas un infaillible moyen qu’il a trouvé d’assurer à ses vers l’immortalité !

La poésie intime de M. Charles Laurent possède toutes les qualités d’élévation et d’élégance des Branches de Saule, mais elle a plus d’innocence et de candeur. Le volume intitulé Une Voix dans le désert se compose principalement de vers écrits par l’auteur quand il avait dix-sept ans, de petites improvisations de salon, de complimens de fête et de jour de l’an, toutes choses en effet très intimes, et capables de ravir d’aise un dîner de famille. Mais pourquoi ce titre : Une Voix dans le désert ? M. Charles Laurent a-t-il prétendu se donner des airs de poète élégiaque méconnu, lui qui est presque un poète de caveau, qui ne chante guère qu’à table et au coin du feu ?


Le Peuple en 1830, de M. Foy, est, en fait de poésie, l’un des résultats les plus grandioses de la révolution de juillet. M. Foy a pris son temps. C’est en 1837, après six années, qu’il produit ses inspirations sur 1830. Aussi ne s’agit-il pas d’un mince dithyrambe de quelques feuillets. Il s’agit d’un respectable poème in-octavo, de cinq cents pages. L’auteur a traité son sujet largement et en conscience. Il commence son récit ab ovo. C’est à 89 qu’il fait remonter l’histoire des trois journées.

L’exorde de M. Foy est saisissant, et ne donne pas mal d’abord l’idée de tout le poème.

Ô nations, écoutez-moi,
À mes accens prêtez l’oreille :
Je vais raconter la merveille
Qui mit les peuples en émoi.

Ce prélude hardi et familier tient à la fois de l’épopée et de la complainte. Les lecteurs sont bien avertis dès le début. Qu’ils ne cherchent point dans ce poème les fadeurs rêveuses et les madrigaux anacréontiques. M. Foy est un rude patriote. Écoutez avec quelle farouche indépendance il interpelle les rois :

Malheur à vous, ô rois, qui marchez sur la tête
D’un peuple opprimé par vos lois ;
Comme un haillon léger qu’emporte la tempête,
Vous disparaîtrez sous ses doigts !
Malheur à vous, chacals, famille carnivore,
Qui vous repaissez de sa chair !

M. Foy est sans pitié pour les tyrans. Au milieu de l’un des glorieux combats du 28 juillet, il avise un enfant qui fait de son mieux sa besogne des barricades :