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M. Émile Langlois est un poème extrêmement court qui donne d’ailleurs en abrégé toute la substance des conversions poétiques les plus développées. L’auteur ne s’est pas écarté de la marche ordinaire des poètes pénitens. Il se plaignait, l’ingrat, de ce que la vie lui était trop belle. Il accusait le ciel !

Le ciel cruel en ses présens
A cloué le génie à mon front de vingt ans !

Le pauvre jeune homme ! excepté le génie cloué sur son front, il avait tout perdu !

J’ai tout perdu, la foi, l’amour et l’espérance !

Les deux tiers des vertus théologales !

Ma santé s’altère,
Je ne pourrai long-temps rester sur cette terre !

Afin d’en finir plus vite, il allait suivre poétiquement l’exemple de Chatterton. Il caressait en imagination la double détente d’un pistolet ; mais un vieillard s’interpose entre le poète et le suicide.

— Vieillard, que me veux-tu ?
— Je viens rendre à ton cœur la force et la vertu.

Effectivement, M. Émile Langlois rentre en lui-même. Il tire son pistolet en l’air, et il se prosterne devant Dieu. Puissent tous les poètes incrédules imiter, sinon le style, au moins la docile componction de M. Émile Langlois, et surtout la brièveté de son poème !


La poésie intime continue de rivaliser en fécondité avec le roman intime. Elle a produit le mois passé deux nouveaux recueils : les Branches de Saule, de M. Théodore Colombey, et Une Voix dans le désert, de M. Charles Laurent.

Une préface de M. Théodore Colombey expose les théories de cet écrivain sur la poésie intime. Cette poésie, selon lui, n’est pas si intime qu’on pense. Qu’un poète, dit-il, parle de sa femme, il n’est pas seul marié au monde ; il exprime donc la pensée de tous ceux qui sont dans sa catégorie. Ce qui lui est intime le devient à chacun d’eux. Après cette explication, si vous appartenez à la catégorie de M. Théodore Colombey, vous attendez d’intéressantes confidences touchant les félicités du ménage, qui vous sont communes avec lui. Vous avez tort. À peine, dans les Branches de Saule, est-il question une fois de Mme Colombey et de ses vertus. La poésie intime de cet auteur consiste en ballades, en orientales et en dithyrambes adressés à des hommes publics, concernant des évènemens publics.

Admirez toutefois la naïve modestie de M. Théodore Colombey. Il a