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REVUE LITTÉRAIRE.

robuste pour lutter contre les préoccupations de l’époque, et triompher de l’indifférence publique. L’indifférence, en effet, pour quiconque poursuit aujourd’hui la gloire poétique, voilà l’écueil menaçant, voilà le banc de sable inexorable ! Mlle Élise Moreau saura-t-elle l’éviter ? Aura-t-elle la force de mener au port son frêle esquif ? Elle est jeune ; elle a vingt ans ; elle a bon courage ; qu’elle ait bonne espérance ! Elle a dit, elle a crié, comme tant d’autres : « Et moi aussi je suis poète ! »

Hélas ! nous ne demandons pas mieux ! En voyant la jeune fille s’embarquer si confiante et si déterminée sur la foi de ses rêves, nous faisons pour elle des vœux sincères. Dieu veuille qu’au milieu des arides chemins de la vie nouvelle où elle s’est jetée, ses plaintes n’aient jamais plus d’amertume que celles qu’elle murmurait timidement quand elle allait errant par les sentiers fleuris de ses campagnes ! Ce n’est plus aux buissons d’églantines qu’elle court risque de déchirer sa robe virginale, mais aux buissons du monde, bien autrement cruels et hérissés d’épines.


De l’alliance de deux poésies fort contraires, la poésie désespérée et la poésie religieuse, s’est formée une poésie de coalition qu’on peut nommer la poésie repentante ou convertie. Les poètes convertis tiennent de la poésie désespérée, en ce que la première partie de leurs recueils est toute à la malédiction et au suicide ; ils relèvent de la poésie religieuse par leurs secondes parties qui sont consacrées à l’humilité et à la pénitence.

Les Amertumes et Consolations de M. Léger Noël, membre de plusieurs sociétés savantes et littéraires, appartiennent pleinement à la poésie repentante. Les amertumes nous disent les années de doute et d’impiété de l’écrivain ; les consolations racontent sa conversion et son retour à Dieu.

Il est bien fâcheux que M. Léger Noël ait combattu si longuement contre la grace. Comme il a reproduit les moindres circonstances de la lutte, il en est résulté un énorme volume de consolations et d’amertumes, médiocrement propre à divertir.

Du reste, au défaut des autres mérites, ce qui éclate surtout dans la poésie de M. Léger Noël, ce sont les qualités du cœur, les vertus civiques et domestiques. Il n’y a peut-être pas une amertume ou une consolation du recueil qui ne soit dédiée à quelqu’un des professeurs, des amis ou des parens de l’auteur. Plusieurs sont adressées à la ville de Mauriac, sa patrie, pour la féliciter du choix qu’elle a fait de son maire en la personne de M. Joseph Grasset, chevalier de l’ordre royal de la Légion-d’Honneur. M. Léger Noël est incontestablement le meilleur citoyen et le plus reconnaissant des poètes de l’époque.


M. Émile Langlois est un autre poète converti tout aussi brillant, mais plus discret et moins prolixe que M. Léger Noël. La Conversion de