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nouveau pont d’Ayr. Les deux fantômes s’accostent, et engagent sur les mérites du présent et du passé, une violente dispute qui aurait fini mal si elle n’avait été interrompue et apaisée par le cortège magique des vertus champêtres qui s’avancent en dansant sur la glace naissante que leurs pieds courbent à peine, guidées par le génie du fleuve, vénérable vieillard, dont la tête blanche est couronnée de lis d’eau, et la jambe nerveuse ceinte d’herbes marines,

La composition la plus sérieuse de Burns, c’est the Cotter’s saturday night, le Samedi soir dans la chaumière. C’est encore Fergusson qui, évidemment, lui en a inspiré l’idée première. The Farmer’s ingle, le Coin du feu du fermier, commence le soir, au retour du travail. La réception que lui fait sa ménagère, ainsi qu’aux garçons de ferme, est décrite avec charme. Après le souper, on parle des nouvelles du jour, et des évènemens qui sont venus rompre la monotonie de la vie champêtre. Arrive la grand’mère ; le cercle se forme autour du feu, ses petits enfans l’entourent, et, tandis que son fuseau court le long de sa robe brune, elle leur raconte des histoires de sorcières et de revenans. Cependant le fermier, fatigué des travaux de la journée, s’est étendu sur sa couche rustique qui occupe un des coins de la cheminée, et son chat et son chien ont sauté sur le lit pour recevoir ses caresses : c’est de là qu’il donne ses instructions aux valets de ferme pour le lendemain. Sa femme, à son exemple, donne ses ordres aux filles. Peu à peu, l’huile tarit dans la lampe, le feu baisse, le sommeil gagne le groupe rustique, et ils s’en vont goûter les douceurs du repos. Le poète termine en bénissant le laboureur et toute sa maison.

Dans Burns, on est en novembre, le laboureur revient aussi du travail, heureux de penser qu’il pourra, demain, goûter à son aise le repos du matin. Voici sa chaumière isolée qu’ombrage un vieil arbre ; voici ses petits enfans qui courent, en trébuchant, et avec des cris joyeux, au-devant de leur papa. Son feu qui brille, la propreté du foyer, le sourire de sa ménagère, le babil de son enfant grimpé sur ses genoux, tout lui fait oublier ses fatigues. Les aînés, en service dans les fermes voisines, se réunissent à la famille. Jenny, la fille aînée, vient apporter à ses chers parens les économies qu’elle a faites sur ses gages. Toute cette première partie a déjà tout l’intérêt calme du poème de Fergusson ; mais dans la seconde, où Burns introduit l’amoureux de Jenny, son guide