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POÈTES ET ROMANCIERS ANGLAIS.

Ramsay. L’œuvre du barde royal se divise en trois tableaux. Le premier est une danse rustique, le second une joute à l’arc, et le tout se termine par une rixe violente. Ramsay, dans ses deux chants, célèbre le retour de la concorde et des jeux champêtres au milieu de la joie d’une noce de village ; et les mœurs innocentes de l’Écosse s’étaient conservées si pures du contact délétère de la civilisation, que cette peinture faite après coup, à une distance de trois siècles, n’ôte point à l’ensemble son caractère indispensable d’unité.

Dans cette œuvre, comme dans le Gentle shepherd et dans ses chansons pastorales, Ramsay se recommande par la vérité des caractères et des paysages, par la franchise et la simplicité du style, par le calme heureux de l’innocence et de la vertu. Ses contes, où cette dernière qualité n’est plus de mise, prouvent la souplesse de son talent, et celui du Moine et de la Meunière, the Monk and the Miller’s wife, est digne de Prior et de La Fontaine, dont il a aussi la licence. En somme, l’Écosse et ses campagnes l’inspirent toujours bien ; et ce n’est que lorsque, cédant probablement aussi à de fâcheux conseils, il aborde les hautes classes et aspire à la pureté de l’idiome anglais, qu’il devient faible et insignifiant, et qu’il décroît en proportion inverse de ses prétentions ambitieuses.

Né dans une condition moins humble, Robert Fergusson passa six années dans les écoles d’Édimbourg et de Dundee, et plusieurs autres à l’université de Saint-André. Il paraît qu’il se destinait à l’église ; mais il changea d’avis, et entra chez un procureur. Tout ce qu’on sait de lui, c’est qu’il mourut à vingt ans, après avoir été exposé à toutes les horreurs de la misère. Comme Allan Ramsay, il a écrit une partie de ses poésies en anglais, et, comme lui, l’idiome national l’a beaucoup mieux inspiré. S’il eut plus de science et d’imagination, le sujet de ses chants fut moins heureux : ce ne sont plus des pastorales, mais des églogues de ville. Elles ne manquent pourtant point de naturel, et sont souvent pleines de verve et d’esprit, comme the Daft days, les Jours gras, the King’s birthday in Edinburgh, le Jour de naissance du roi à Édimbourg ; Leith races, les Courses de Leith, et the Hallow fair, la Veille de la Toussaint, où il a payé, comme Ramsay, son tribut d’imitation à l’œuvre royale, Christis-kirk of the grene. Son Address to the Tron-kirk bell, épître à la cloche de Tron-kirk, est ravissante d’humour.