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HISTOIRE DE VITTORIA ACCORAMBONI.

tournât, il arriva, peut-être par la permission de Dieu, que l’arquebuse ne prit pas feu, et dans cet instant il eut le corps traversé d’une balle. Le coup avait été tiré par un pauvre diable, répétiteur des écoliers à Saint-Michel. Et tandis que pour gagner la récompense promise, celui-ci s’approchait pour lui couper la tête, il fut prévenu par d’autres plus lestes et surtout plus forts que lui, lesquels prirent la bourse, le ceinturon, le fusil, l’argent et les bagues du colonel, et lui coupèrent la tête.

Ceux-ci étant morts dans lesquels le prince Louis avait le plus de confiance, il resta fort troublé, et on ne le vit plus se donner aucun mouvement.

Le seigneur Filenfi, son maître de casa et secrétaire en habit civil, fit signe d’un balcon avec un mouchoir blanc qu’il se rendait. Il sortit et fut mené à la citadelle, conduit sous le bras, comme on dit qu’il est d’usage à la guerre, par Anselme Suardo, lieutenant des seigneurs (magistrats). Interrogé sur-le-champ, il dit n’avoir aucune faute dans ce qui s’était passé, parce que la veille de Noël seulement il était arrivé de Venise, où il s’était arrêté plusieurs jours pour les affaires du prince.

On lui demanda quel nombre de gens avait avec lui le prince ; il répondit ; Vingt ou trente personnes.

On lui demanda leurs noms, il répondit qu’il y en avait huit ou dix, qui, étant personnes de qualité, mangeaient, ainsi que lui, à la table du prince, et que de ceux-là il savait les noms, mais que des autres, gens de vie vagabonde et arrivés depuis peu auprès du prince, il n’avait aucune particulière connaissance.

Il nomma treize personnes, y compris le frère de Liveroto.

Peu après, l’artillerie placée sur les murailles de la ville commença à jouer. Les soldats se placèrent dans les maisons contiguës à celle du prince pour empêcher la fuite de ses gens. Ledit prince, qui avait couru les mêmes périls que les deux dont nous avons raconté la mort, dit à ceux qui l’entouraient de se soutenir jusqu’à ce qu’ils vissent un écrit de sa main accompagné d’un certain signe ; après quoi il se rendit à cet Anselme Suardo, déjà nommé ci-dessus. Et parce qu’on ne put le conduire en carrosse, ainsi qu’il était prescrit, à cause de la grande foule de peuple et des barricades faites dans les rues, il fut résolu qu’il irait à pied.

Il marcha au milieu des gens de Marcel Accoramboni ; il avait