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Cette grande bourgade sans défense était Nantes, alors exposée aux attaques des corsaires de toutes nations, qui remontaient la Loire pour piller la ville, brûler les maisons et emmener les habitans en esclavage.

Plus tard, vers le xiiie siècle, les saules, les bouleaux, les prairies avaient disparu, et, à la place des hameaux, s’étendaient des quartiers populeux. Nantes avait grandi : un long rempart de pierre l’enveloppait comme une armure, les archers veillaient sur ses tours crénelées, les pendus chargeaient ses fourches de justice : cette ville était devenue le plus brillant joyau de la couronne de Bretagne, et rien ne manquait plus à la cité du moyen-âge, pas même la peste, qui enlevait tous les cinq ans un tiers de la population.

Telle qu’elle existe de nos jours, Nantes ne rappelle que fort peu le passé. Il ne faut plus y chercher ni la capitale des Namnètes, ni la ville féodale ; les cabanes primitives y ont été renversées depuis long-temps, et la pioche est au pied des dernières maisons gothiques. Où le fleuve baignait des prairies, il ne trouve plus que des canaux de pierre ; où serpentaient les vertes oseraies s’élèvent des frontons sculptés et d’opulentes façades ; où glissaient les navires de pirates, flottent de paisibles bateaux laveurs. Nantes n’a rien gardé de l’air de ses anciens jours. C’est une ville de ponts, de péristyles, de palais et de colonnes ; une cité d’Italie perdue dans les vallées de la Bretagne ; Venise, sauf le soleil et les gondoliers.

Et cependant, sous ce replâtrage moderne, que de belles empreintes du passé ! que de touchantes chroniques dans les vieux noms tracés encore à tous les carrefours de cette jeune ville ? Allez sous les arbres de la Fosse, le long de cette belle lagune où flottent les grands navires dont la cale entr’ouverte exhale les arômes de l’Inde, et interrogez les souvenirs qui vous environnent. Là bas, sur ce rocher de l’Ermitage, est la cour de Baco, monarque miraculeux qui fonda sa royauté sur la générosité et le dévouement !… Aussi n’a-t-il point laissé de dynastie ! — Interrogez un vieux matelot du port, il vous dira son histoire.

Baco était un pauvre et joyeux enfant, qui partit de Nantes à douze ans, n’emportant même pas la bénédiction d’une mère, car il