Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/558

Cette page a été validée par deux contributeurs.
554
REVUE DES DEUX MONDES.

violentée par sa position. La liberté absolue du commerce convient à l’indépendance ainsi qu’à l’isolement de chaque canton. Tant que le lien fédéral ne sera pas plus fort, il sera difficile de persuader aux habitans d’Appenzel et du Tessin d’élever volontairement une barrière de douanes entre eux et leurs voisins de l’Allemagne et de l’Italie. Les marchands de Bâle et de Genève n’auront pas moins de peine à comprendre, après avoir regardé pendant si long-temps leur territoire comme l’entrepôt naturel des marchandises anglaises, qu’il y ait avantage à les imposer, quelque modéré que soit le droit d’entrée. La démonstration ne peut venir que de l’expérience et du temps.

La Saxe et Francfort étaient à l’égard de l’Angleterre dans la même situation que la Suisse relativement ; cependant ces deux états ont accédé à l’association prussienne. Ces points isolés au milieu des terres, où la Grande-Bretagne mettait garnison commerciale pendant la guerre des tarifs, perdent aujourd’hui leur importance, à mesure que la liberté commerciale gagne du terrain. C’étaient autant de centres pour la contrebande ; mais que deviendra la contrebande en présence de tarifs qui encourageront le commerce direct ? Ce que la Suisse tire d’ailleurs principalement des contrées transocéaniques, ce sont les matières nécessaires à l’industrie ; or celles-là, il est facile de les affranchir de tout droit, par le contrat d’union. Au reste, un avantage tel que celui de contribuer à l’approvisionnement de trois royaumes, vaut bien que l’on s’impose quelques sacrifices. La Suisse ne peut pas tout recevoir, et en échange ne rien donner.

MOYENS D’EXECUTION.

Dans l’association des états méridionaux, dont la France est le centre, tout ne se fera pas en un jour. Il y a déjà communauté d’intérêts ; mais l’éducation politique n’est pas arrivée partout au même degré, et il faut tenir compte de la différence des situations. L’union allemande a mis près de quatre années (de 1829 à 1833) à se constituer définitivement sur les bases proposées par le cabinet de Berlin ; encore tous les peuples qu’elle renferme, les Prussiens, les Saxons, les Bavarois, les Hessois, les habitans de Bade et du Wurtemberg, parlaient-ils la même langue, ce qui était pour eux une première unité.