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L’UNION DU MIDI.

Mais les tarifs agissent-ils du moins comme un stimulant à la production indigène ? il est permis d’en douter. D’abord, la fraude, qui se fait sur une large échelle, change les élémens de la question ; la prime accordée au travail national ne se compose plus du chiffre posé par le droit protecteur, mais de la somme prélevée par les contrebandiers[1]. Cela suffit pour déplacer la base du système. En second lieu, comme l’on repousse également les produits agricoles de la Suisse et ses produits manufacturés, l’effet de la prime est nul : nos manufacturiers n’en jouissent qu’à condition d’employer une main-d’œuvre plus chère ; et les propriétaires fonciers, protégés sur le marché français contre la concurrence des éleveurs de la Suisse, remboursent cet avantage en payant les objets manufacturés un prix plus élevé. Le résultat est une hausse générale et artificielle des salaires, qui ne profite à aucune industrie.

Le docteur Bowring[2] fait remarquer une autre conséquence du système protecteur. L’agriculture de la Suisse s’est modifiée considérablement depuis vingt ans. Depuis que nous prohibons ses bestiaux, ne trouvant plus à les échanger, elle a converti une partie de ses pâturages en terres à blé ; elle a planté aussi des oliviers, et a cessé de demander à la France les huiles ainsi que les blés nécessaires à sa consommation. Ainsi l’on a fermé un débouché à notre agriculture pour lui en conserver un autre. Pendant que l’on élevait artificiellement le prix du bétail, on abaissait forcément celui du blé.

Les fabriques de la Suisse trouvent leurs débouchés dans les pays lointains ; son agriculture ne peut se soutenir et se perfectionner que par des échanges immédiats avec les peuples voisins. Dans ce commerce, qui repose sur des besoins mutuels, la France doit fournir le blé, les huiles et le vin ; la Suisse donner les laines, les fromages, les bestiaux et les bois. Voici un aperçu des princi-

  1. Le commerce de la Suisse avec l’Allemagne et la France prend de plus en plus la voie de la contrebande. Voici ce qu’on lit dans l’Allgemeine Schweizer Zeitung :

    « Les journaux allemands signalent les environs de Schaffouse comme l’un des points où la contrebande des marchandises suisses s’exerce avec le plus d’activité. Ce n’est pas sans plaisir que les Suisses, dont les marchandises sont soumises en Allemagne à un système de prohibition si étroit et si égoïste, apprendront que leurs compatriotes, aussi intrépides qu’industrieux, se chargent d’introduire, en tout temps et en toute quantité, jusqu’au cœur des pays qui font partie de l’association des douanes allemandes, les articles prohibés, moyennant une prime qui n’excède jamais la moitié des droits. »

  2. Report on the commerce and manufacture of Switzerland.