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cercle de relations. Les douanes qui existaient entre les états allemands ont été supprimées ; entre les vingt-deux cantons et la Bavière, le Wurtemberg ainsi que le duché de Bade, elles se trouvent au contraire renforcées, et relèvent d’un système plus rigoureux. La Suisse est véritablement enfermée et refoulée dans ses montagnes. L’Allemagne et la France s’accordent à la repousser de leurs marchés ; il faut qu’elle traverse de vastes contrées pour aller chercher des consommateurs au-delà de l’Océan. En adoptant pour elle-même, dans toute son étendue, le système de la liberté commerciale, la Suisse obtient la main-d’œuvre à bas prix ; mais suffit-il d’être placé dans les conditions les plus favorables au travail, si l’on n’a pas la faculté d’en écouler les produits au dehors ?

Séparée de l’Italie par la barrière des Alpes, et échelonnée sur la pente occidentale d’où sortent les grands cours d’eau qui vont se décharger dans la mer du Nord, et, au sud, dans la Méditerranée, la Suisse ne peut subsister que par l’alliance de la France ou par celle de l’Allemagne. Prétendre conserver l’alliance de tout le monde ou ne rechercher l’alliance de personne, c’est une position également fausse ; la neutralité commerciale, pour un pays enclavé dans les terres, n’est pas moins impraticable que la neutralité politique : il faut se décider pour la voie du Rhône ou pour celle du Rhin.

Est-il possible, est-il probable que la Suisse entre jamais dans l’association des douanes prussiennes ? La diète helvétique, sollicitée d’y accéder, a déjà déclaré qu’il ne convenait pas aux cantons d’accepter une solidarité d’intérêts qui pourrait entraîner la solidarité du système politique ; et, en cela, elle a fait preuve de sagesse. Mais si le gouvernement français persistait à fermer ses frontières, la force des choses entraînerait la Suisse dans le système allemand[1].

Il ne faut pas douter que l’association n’ouvrît ses rangs à la

  1. Les journaux suisses s’efforcent d’accoutumer le peuple des cantons à cette idée. On lit dans l’Helvétie du 10 décembre 1836 : « La nécessité seule peut déterminer la France à se relâcher de son système d’égoïsme et de monopole ; que la Suisse ne craigne pas de lui faire entrevoir l’éventualité de son incorporation au système des douanes allemandes. Il lui appartient, aussi bien qu’à la Belgique, de poser à la France l’alternative qui seule a pu faire fléchir le rigorisme commercial du cabinet des Tuileries. »