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révolution française, la légitimité du droit divin ; elle ne suivait pas une autre politique que celle des provinces confédérées, qui, pour conserver le droit de s’administrer elles-mêmes, prétendent imposer au reste de l’Espagne la monarchie absolue. C’est le même débat réduit aux proportions d’une guerre civile ; c’est le même égoïsme de liberté.

On a proposé d’ériger les quatre provinces en états neutres et indépendans, de fonder une espèce de Suisse espagnole entre l’Èbre et les Pyrénées[1]. Ce serait le démembrement de la Péninsule. La Catalogne, qui ne tient que par des liens si récens et si faibles à la monarchie, ne tarderait pas à s’affranchir de la suzeraineté du pouvoir central. L’Aragon, les Asturies et le royaume de Valence pourraient bien suivre cet exemple ; l’on aurait détruit l’unité de l’Espagne au moment où elle commence à se fixer.

Ce n’est point en rétablissant leurs priviléges que le gouvernement espagnol pacifiera les provinces du nord, c’est en rendant le droit commun aussi favorable que pouvait l’être le privilége à la prospérité du pays. « Les provinces exemptes, dit M. Viardot, ne sont point soumises aux douanes de ce côté, la frontière fiscale de l’Espagne n’étant pas aux Pyrénées, mais sur l’Èbre. En revanche, elles paient des droits pour l’introduction de leurs denrées ou de leurs produits fabriqués, aussi bien à la frontière de Castille qu’à celle de France ; et ce qui complète leur état de peuple étranger, c’est qu’elles sont soumises aux prohibitions commerciales de même que le reste de l’Europe. Tout commerce avec l’Amérique leur fut toujours interdit, et cette interdiction subsiste encore pour les colonies que l’Espagne a conservées. »

Il est évident que le gouvernement de Marie-Christine, en organisant l’administration provinciale, peut conserver des priviléges ou fueros tout ce qui sera compatible avec le régime constitutionnel. Qu’importe que les municipalités de la Biscaye s’intitulent communes ou républiques ? Si la constitution laisse subsister les assemblées locales, les cortès de Navarre et la junte de l’Alava, ces provinces n’auront-elles pas intérêt à prendre part, au moyen de leurs députés, au gouvernement central ? et si l’on n’exige d’elles qu’un impôt modéré, pourquoi se refuseraient-elles à l’acquitter ?

  1. Voir le travail de M. L. Viardot dans la Revue des Deux Mondes.