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grand, qui nous emporte, nous et tous les êtres vivans, autour de son soleil ; cette masse prodigieuse qui roule avec une effroyable rapidité dans les espaces ; cette terre immense, couverte à sa surface de longues plaines, de montagnes escarpées et d’océans mobiles, est dans un rapport nécessaire et mystérieux avec la petite aiguille qui tremble sur la pointe acérée d’un pivot dans la boussole et oscille en obéissant. M. Ampère a trouvé à cette grande planète un autre rapport non moins constant, non moins délicat, non moins merveilleux, et il a fait voir qu’un fil d’archal mobile, dès qu’il venait à être traversé par un courant électrique, passait sous l’influence des forces occultes qui émanent du corps terrestre, et était dirigé aussi régulièrement qu’une mince aiguille d’acier aimanté, ou qu’une immense planète lancée éternellement dans la même orbite.

C’est ainsi que la science s’agrandit peu à peu, et qu’un fait, qui semble d’abord isolé, ouvre la voie à des conséquences inattendues et à des rapports dont le haut intérêt frappe les moins clairvoyans. La faible action qui s’exerce entre un courant électrique et une aiguille aimantée, a été le point de départ qui a conduit les physiciens jusqu’au globe de notre planète elle-même, et jusqu’aux puissances qui proviennent de ce grand corps. Le plus petit phénomène se lie au plus grand, et M. Ampère, en poursuivant dans des déductions inaperçues la découverte de M. Œrsted, et en développant ce qu’elle contenait, mais ce que personne n’y voyait, a mis dans son plus beau jour cette faculté éminente qu’il possédait, de saisir les rapports des idées éloignées, et d’arriver, par des combinaisons conçues avec profondeur, à d’éclatantes vérités, qui font sa gloire. Certes, quand on considère le chemin parcouru par M. Ampère, on ne peut s’empêcher d’admirer cette sagacité divinatoire, ce génie systématique, qui, dans l’action d’un courant électrique sur une aiguille aimantée, lui montre l’action de deux courans électriques l’un sur l’autre, et l’action de la terre sur tous les deux. L’homme le moins habitué aux spéculations de la physique comprendra qu’en tout ceci M. Ampère n’a rien dû au hasard, et qu’il n’a trouvé que ce qu’il a cherché. Le grand poète allemand Schiller, représentant Christophe Colomb voguant à la découverte d’un nouvel hémisphère, lui dit : « Poursuis ton vol vers l’ouest, hardi navigateur ; la terre