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POÈTES ÉPIQUES.

les moustiers, les monastères y étaient désignés par leurs noms. Celui de France n’était jamais prononcé sans être accompagné d’un titre d’honneur : c’était la douce, ou la plaisante, ou la louée, ou l’honorée. Il parlait à ses auditeurs de ce qu’ils aimaient et connaissaient le mieux, de joutes et de batailles. Les qualités qu’il donnait à ses héros étaient peu variées, mais singulièrement énergiques et frappantes. À la fière pensée, hardi comme lion, à guise d’homme fier, à guise de sanglier[1], ces expressions et d’autres semblables, revenaient souvent dans ses descriptions. Il racontait ainsi les grands faits d’Olivier, qui, navré à mort, se relève de son lit pour défier le géant, chef des Sarrasins ; ou les larmes du cheval Bayard, que les écuyers ont saigné pour boire son sang, pendant que la famine est au château de Renaud ; ou la prise de Barbastre, ou la bataille d’Alichamp, ou l’arrivée de la fille de l’émir dans la prison des chevaliers, ou la plainte de Charlemagne, en entendant le cor de son neveu Roland. Au milieu des traditions qui se mêlent, il était souvent impuissant à régler ce désordre. Il se contentait alors de répéter à la bruyante assemblée : Oyez, seigneurs ! Et cette formule féodale suppléait à presque toute autre combinaison d’art. C’était le contraire de ce que l’on a vu dans des époques de décadence. Les idées du poète étaient fécondes ; ses sujets innombrables ; sa langue seule était pauvre et pliait sous le faix. Du moins elle ne détonnait jamais, et c’est une question de savoir si cette rudesse inculte ne valait pas bien souvent l’affectation de l’élégance moderne. L’accent et le rhythme, auxquels la foule est surtout sensible, se marquaient par des procédés qui nous semblent aujourd’hui barbares, mais qui étaient alors tout puissans. En frappant vingt fois, quarante fois, soixante fois de suite et sans relâche la même rime, le vers finissait par graver la mesure dans l’oreille endurcie des vieux barons ; il retentissait ainsi, dans ces assemblées guerrières, comme l’épée sur l’écu dans un tournoi. À la voix du chanteur, chaque objet rendait un écho sonore. Le château crénelé, le vent qui soufflait dans les salles, les aubades des guettes sur les tourelles, le bruit des chaînes des ponts-levis, tout cela faisait en quelque sorte partie de son poème. Ce qu’il ne disait pas, les choses et les souve-

  1. Dante dit : A guisa di leone.