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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.
doux souvenirs dont j’avais, ce jour-là, fait provision, et j’en ai recueilli au contraire de bien plus doux pour une autre fois. Que tes lettres sont douces à lire ! il faut avoir ton ame pour écrire des choses qui vont si bien au cœur, sans le vouloir, à ce qu’il semble. Je suis resté jusqu’à deux heures assis sous un arbre, un joli pré à droite, la rivière, où flottaient d’aimables canards, à gauche et devant moi. Derrière était le bâtiment de l’hôpital. Tu conçois que j’avais pris la précaution de dire chez Mme Beauregard, en quittant ma lettre, pour aller à midi faire cette partie, que je n’irais pas dîner aujourd’hui chez elle. Elle croit que je dîne en ville ; mais, comme j’avais bien déjeuné, je m’en suis mieux trouvé de ne dîner que d’amour. À deux heures, je me sentais si calme, et l’esprit si à mon aise, au lieu de l’ennui qui m’oppressait ce matin, que j’ai voulu me promener et herboriser. J’ai remonté la Ressouse dans les prés, et en continuant toujours d’en côtoyer le bord, je suis arrivé à vingt pas d’un bois charmant, que je voyais dans le lointain à une demi-lieue de la ville et que j’avais bien envie de parcourir. Arrivé là, la rivière, par un détour subit, m’a ôté toute espérance d’y parvenir, en se montrant entre lui et moi. Il a donc fallu y renoncer, et je suis revenu par la route de Bourg au village de Cézeyriat, plantée de peupliers d’Italie, qui en font une superbe avenue ; … j’avais à la main un paquet de plantes. »


La jolie église de Brou n’est pas oubliée ailleurs dans ses récits. Voilà bien des promenades tout au long, comme les aimaient La Fontaine et Ducis. — Je voudrais que les jeunes professeurs exilés en province, et souffrant de ces belles années contenues, si bien employées du reste et si décisives, pussent lire, comme je l’ai fait, toutes ces lettres d’un homme de génie pauvre, obscur alors, et s’efforçant comme eux ; ils apprendraient à redoubler de foi dans l’étude, dans les affections sévères : ils s’enhardiraient pour l’avenir.

Les idées religieuses avaient été vives chez le jeune Ampère à l’époque de sa première communion ; nous ne voyons pas qu’elles aient cessé complètement dans les années qui suivirent, mais elles s’étaient certainement affaiblies. L’absence, la douleur et l’exaltation chaste, les réveillèrent avec puissance. On sait, et l’on a dit souvent, que M. Ampère était religieux, qu’il était croyant au christianisme, comme d’autres illustres savans du premier ordre, les Newton, les Leibnitz, les Haller, les Euler, les Jussieu. On croit, en général, que ces savans restèrent constamment fermes et calmes dans la naïveté et la profondeur de leur foi, et je le crois