Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/406

Cette page a été validée par deux contributeurs.
402
REVUE DES DEUX MONDES.

Admirable jeunesse, âge audacieux, saison féconde, où tout s’exalte et coexiste à la fois, qui aime et qui médite, qui scrute et découvre, et qui chante, qui suffit à tout ; qui ne laisse rien d’inexploré de ce qui la tente, et qui est tentée de tout ce qui est vrai ou beau ! Jeunesse à jamais regrettée, qui, à l’entrée de la carrière, sous le ciel qui lui verse les rayons, à demi penchée hors du char, livre des deux mains toutes ses rênes et pousse de front tous ses coursiers !

Le mariage de M. Ampère et de Mlle Julie Carron eut lieu, religieusement et secrètement encore, le 15 thermidor an vii (août 1799), et civilement quelques semaines après. M. Ballanche, par un épithalame en prose, célébra, dans le mode antique, la félicité de son ami et les chastes rayons de l’étoile nuptiale du soir, se levant sur les montagnes de Polémieux. Pour le nouvel époux, les deux premières années se passèrent dans le même bonheur, dans les mêmes études. Il continuait ses leçons de mathématiques à Lyon, et y demeurait avec sa femme, qui d’ailleurs était souvent à Saint-Germain. Elle lui donna un fils, celui qui honore aujourd’hui et confirme son nom. Mais bientôt la santé de la mère déclina, et quand M. Ampère fut nommé, en décembre 1801, professeur de physique et de chimie à l’École centrale de l’Ain, il dut aller s’établir seul à Bourg, laissant à Lyon sa femme souffrante avec son enfant. Les correspondances surabondantes que nous avons sous les yeux, et qui comprennent les deux années qui suivirent, jusqu’à la mort de sa femme, représentent pour nous, avec un intérêt aussi intime et dans une révélation aussi naïve, le journal qui précéda son mariage et qui ne reprend qu’aux approches de la mort. Toute la série de ses travaux, de ses projets, de ses sentimens, s’y fait suivre sans interruption. À peine arrivé à Bourg, il mit en état le cabinet de physique, le laboratoire de chimie, et commença du mieux qu’il put, avec des instrumens incomplets, ses expériences. La chimie lui plaisait surtout ; elle était, de toutes les parties de la physique, celle qui l’invitait le plus naturellement, comme plus voisine des causes. Il s’en exprime avec charme : « Ma chimie, écrit-il, a commencé aujourd’hui : de superbes expériences ont inspiré une espèce d’enthousiasme. De douze auditeurs, il en est resté quatre après la leçon. Je leur ai assigné des emplois, etc.» ; Parmi les professeurs de Bourg, un seul fut bien-