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Le duc Guillaume défend, lui seul, les approches de sa ville contre l’armée innombrable des Sarrasins. Son neveu, encore enfant, est blessé à côté de lui. Il le prend sur ses épaules, il combat de l’autre main, il se retire à pas lents, poursuivi par une nuée d’ennemis. La duchesse, du haut des créneaux, le voit sans le reconnaître. Les ennemis l’entourent. Il frappe à grands coups à la porte. « Ouvrez, dit-il à sa femme, je suis Guillaume. — Non, vous n’êtes point Guillaume, répond la duchesse en refusant d’ouvrir. Ce n’est pas Guillaume qui fuirait devant une armée. » Poussé à bout par ces paroles, le duc s’élance au milieu des mécréans. Il les disperse, il les pourfend, après quoi il revient vers la duchesse en victorieux. Voilà l’héroïsme dans la famille féodale.

Dans une bruyère, deux paladins de Charlemagne, Olivier et Roland, sont aux prises l’un avec l’autre. Le combat dure depuis un jour entier ; les deux chevaux des chevaliers gisent coupés en morceaux à leurs pieds ; le feu jaillit des cuirasses bosselées ; le combat dure encore ; l’épée d’Olivier se brise sur le casque de Roland. — Sire Olivier, dit Roland, allez en chercher une autre, et une coupe de vin, car j’ai grand’soif. Un batelier apporte de la ville trois épées et un bocal de vin. Les chevaliers boivent à la même coupe ; après cela, le combat recommence. Vers la fin du second jour, Roland s’écrie : — Je suis malade, à ne vous le point cacher. Je voudrais me coucher pour me reposer. Mais Olivier lui répond avec ironie : — Couchez-vous, s’il vous plaît, sur l’herbe verte. Je vous éventerai pour vous rafraîchir. Alors Roland, à la fière pensée, reprend à haute voix : — Vassal, je le disais pour vous éprouver. Je combattrais encore volontiers quatre jours sans boire et sans manger ; en effet, le combat continue. Plusieurs évènemens du poème se passent, et l’on revient toujours à cet interminable duel. Les cottes démaillées, les écus brisés, rien ne le ralentit. Le soir arrive, la nuit arrive ; le combat dure toujours. À la fin, une nue s’abaisse du ciel entre les deux champions. De cette nue sort un ange. Il salue avec douceur les deux francs chevaliers ; au nom du Dieu qui fit ciel et rosée, il leur commande de faire la paix, et les ajourne contre les mécréans à Roncevaux. Les chevaliers tout tremblans lui obéissent ; ils se délacent l’un à l’autre leurs casques ; après s’être entrebaisés, ils s’asseient sur