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procurant à l’enfant les livres nécessaires, et ajournant l’étude approfondie du latin à un âge plus avancé. Le jeune Ampère connaissait déjà toute la partie élémentaire des mathématiques et l’application de l’algèbre à la géométrie, lorsque le besoin de pousser au-delà le fit aller un jour à Lyon avec son père. M. l’abbé Daburon (depuis inspecteur-général des études) vit entrer alors dans la bibliothèque du collége M. Ampère, menant son fils de onze à douze ans, très petit pour son âge. M. Ampère demanda pour son fils les ouvrages d’Euler et de Bernouilli. M. Daburon fit observer qu’ils étaient en latin : sur quoi l’enfant parut consterné de ne pas savoir le latin ; et le père dit : « Je les expliquerai à mon fils : » et M. Daburon ajouta : « Mais c’est le calcul différentiel qu’on y emploie, le savez-vous ? » Autre consternation de l’enfant ; et M. Daburon lui offrit de lui donner quelques leçons, et cela se fit.

Vers ce temps, à défaut de l’emploi des infiniment petits, l’enfant avait de lui-même cherché, m’a-t-on dit, une solution du problème des tangentes par une méthode qui se rapprochait de celle qu’on appelle méthode des limites. Je renvoie le propos, dans ses termes mêmes, aux géomètres.

Les soins de M. Daburon tirèrent le jeune émule de Pascal de son embarras, et l’introduisirent dans la haute analyse. En même temps, un ami de M. Daburon, qui s’occupait avec succès de botanique, lui en inspirait le goût, et le guidait pour les premières connaissances. Le monde naturel, visible, si vivant et si riche en ces belles contrées, s’ouvrait à lui dans ses secrets, comme le monde de l’espace et des nombres. Il lisait aussi beaucoup, toutes sortes de livres, particulièrement l’Encyclopédie, d’un bout à l’autre. Rien n’échappait à sa curiosité d’intelligence ; et, une fois qu’il avait conçu, rien ne sortait plus de sa mémoire. Il savait donc, et il sut toujours, entre autres choses, tout ce que l’Encyclopédie contenait, y compris le blason. Ainsi son jeune esprit préludait à cette universalité de connaissances qu’il embrassa jusqu’à la fin. S’il débuta par savoir au complet l’Encyclopédie du xviiie siècle, il resta encyclopédique toute sa vie. Nous le verrons, en 1804, combiner une refonte générale des connaissances humaines ; et ses derniers travaux sont un plan d’encyclopédie nouvelle.

Il apprit tout de lui-même, avons-nous dit, et sa pensée y gagna