Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/388

Cette page a été validée par deux contributeurs.
384
REVUE DES DEUX MONDES.

l’a moins que lui. Qui que vous soyez, vous le trouverez impitoyable à vos débuts ; et si vous grandissez séparé de lui, si vous avez l’ame fière et sauvage, il vous en gardera une rancune éternelle. Le Journal des Débats n’aide et ne proclame que les puissances ; est-ce sa conviction ? nous croyons que c’est son intérêt. Du reste, il n’est pas au monde de logique plus solidement fondue que la sienne ; sa critique littéraire sort de sa politique ; c’est partout le même dogmatisme, la même intolérance, le même enthousiasme effréné pour ce qui est, la même négation de l’avenir qui l’inquiète ; le Journal des Débats trouve les idées trop révolutionnaires, il en a peur, il veut qu’on leur résiste comme aux émeutes.

Le système ordinaire, suivi par le Journal des Débats, consiste à choisir un homme énergique et puissant dont il s’empare et se sert pour frapper en matamore sur tous les malavisés qui se permettent d’avoir des allures indépendantes, et de marcher au grand jour sans lui emprunter sa lanterne de Diogène, avec laquelle il cherche incessamment des ministres. Il ne faut pas croire cependant qu’entre les deux puissances le pacte soit indissoluble ; non pas, certes : le Journal des Débats fait ses réserves, et se garde bien de compromettre son avenir. Il sait bien que certains faits peuvent s’accomplir, qu’il lui faudrait nécessairement adopter. À l’heure qu’il est, M. Guizot est pour le Journal des Débats cette massue dont nous parlons, et cependant nous ne désespérons pas de le voir se séparer de lui. Que le temps intervienne, que les circonstances changent, que les majorités se renouvellent, et il ne manquera pas d’abandonner son patron d’aujourd’hui, pour s’attacher à des hommes qu’il poursuit sans relâche maintenant, et chez lesquels il découvrira dès-lors certaines hautes qualités politiques qui, pour apparaître à ses yeux, n’attendent que la consécration du pouvoir.

Pour notre compte, nous pensons que l’histoire du Journal des Débats est une histoire à faire, et nous nous étonnons que M. Janin ne l’ait pas entreprise à l’Athénée, lui qui pouvait si facilement remonter aux sources. À défaut de M. Janin, nous entreprendrons ce travail quelque jour, bien que la tâche soit rude, et que nous n’osions prétendre à lui disputer l’exactitude qu’il aurait pu y apporter.

Le fait qui caractérise, entre tous, le Journal des Débats, c’est une incessante préoccupation des intérêts les plus mesquins, qui le dirige à travers les plus graves affaires, une tendance à ne jamais envisager que du point de vue du bien-être et de la vanité des querelles qui regardent la nation, à ramener aux plus étroites proportions les plus vastes sujets. Si l’on savait quelles misères décident des acclamations du Journal des Débats et le précipitent d’un moment à l’autre dans les avis les plus