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THÉÂTRE-FRANÇAIS.

ment comme gens qui n’ont pas de contre-sens à craindre, et ne font halte que pour lancer le trait. Mme Volnys a été remarquée.

M. Scribe n’avait pas à sortir de ses habitudes dramatiques pour établir assez solidement le caractère de Césarine. Il doit se manifester par la fécondité des ressources et l’à-propos des moyens : il ne demande, ni un développement suivi, ni une expression finement nuancée. Sa passion et son intelligence se mesurent au cercle étroit de l’intérêt personnel. D’ailleurs, pour dominer le monde où elle se trouve placée, Césarine n’a besoin que d’une médiocre dose d’habileté. Dans les pièces à intrigues, il faudrait que les adversaires fussent de force, pour que la partie engagée présentât plus d’intérêt. Ici, au contraire, la femme adroite dispose souverainement de son vieux mari : elle lui persuade à son gré de paraître en public, ou de garder le lit ; elle lui dicte ses démarches, ses opinions et jusqu’à ses mouvemens intimes. Cette inertie absolue fait tache dans la meilleure scène de l’ouvrage. Quand Césarine, songeant à perdre son cousin, après avoir tout préparé pour son succès, éveille, à force d’abandon et de tendresse, l’inquiétude du vieillard, est-il convenable que celui-ci éclate et révoque publiquement sa protection ? N’est-ce pas révéler au jeune homme des faiblesses qui lui sont peut-être inconnues, et lui suggérer le désir d’en profiter ? Un mari, si maladroit qu’il soit, ne commet pas une pareille faute, et quand sa jalousie se trahit, c’est par les efforts qu’il fait pour la cacher. Supposons que le diplomate essayât quelques vieilles ruses de son métier, pour expulser celui qui lui inspire des craintes, la scène atteindrait le même but, et la vraisemblance fortifierait l’intention comique. Le rôle du pair de France ne sera plus supportable, quand un acteur inintelligent lui enlèvera ce cachet de dignité officielle qu’a su lui prêter M. Samson.

Un rôle, qui devait marquer dans la pièce, est demeuré précisément le plus terne et le plus indécis. L’indignation contre la camaraderie ne pouvait se produire qu’en raison inverse de la sympathie acquise à ses victimes, et le mérite opprimé devait se présenter au public avec quelque distinction. On nous dit bien qu’Edmond est riche de talent, et que ses hautes prétentions sont légitimées par de fortes études. Mais sommes-nous obligés de croire l’auteur sur parole ? Pour mon compte, j’augure mal d’un homme à qui vient l’idée de clore son avenir par un coup de pistolet, pour une attaque de journal, pour un échec devant des électeurs dont il est inconnu. Si du moins, à défaut d’antécédens, il se recommandait par le choix des sentimens et de l’expression, qualités qui fleurissent toujours dans la solitude, que la foule n’apprécie point, mais qui établissent soudainement entre les esprits d’élite un lien solide et mystérieux ! Au con-