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THÉÂTRE-FRANÇAIS.

domaine des arts. Peintre, musicien, romancier, poète, économiste, moraliste, éditeur, chacun tient son rang. Il y a encore, dans un coin du tableau, un groupe de camarades, qui, beaucoup plus fins que les autres, font peu de bruit, et paraissent s’entendre à demi-mot pour comploter leur fortune. Je les soupçonne d’être auteurs dramatiques. Il ne faut qu’un coup d’œil à un homme d’esprit pour reconnaître qu’il s’est fourvoyé dans une coterie, et aussitôt, il y prend le seul rôle qui lui soit laissé, celui de l’ironie. Au contraire, le naïf Edmond demeure ébahi aux panégyriques qu’il doit subir, et dont lui-même est l’objet à son tour. Sa probité se révolte à la longue, et éclate en paroles sévères, mais déplacées peut-être chez un ami qui s’est offert, sans arrière-pensée, à le servir de son crédit et de son influence. Après l’expulsion du profane, la camaraderie revient à l’affaire du jour, à l’élection de Saint-Denis : elle désire compter un des siens au nombre des honorables. Les voix, divisées par l’égoïsme au premier tour de scrutin, se réunissent comme par enchantement sur Oscar. Ce revirement est l’œuvre de l’habile docteur, qui lui-même obéit aux ordres secrets de Mme de Mirmont : Oscar sera député.

Mais Edmond ? Pour avoir ameuté contre lui quelques misérables, il se croit perdu sans ressources, et parle de se tuer. Son désespoir exalte l’ingénieuse affection de ses protectrices. Guidée par les confidences d’Agathe, et par les souvenirs du pensionnat, Zoé de Montlucar est conduite à penser que l’hostilité de la sous-maîtresse a quelque cause cachée dans les replis de son cœur. Césarine aimerait-elle Edmond ? En pareille matière, une femme adroite n’en demeure pas long-temps au soupçon. Zoé, dominant dès-lors l’intrigante, lui fait croire facilement que le jeune homme l’a toujours aimée, et que l’aversion qu’il a rencontrée en échange d’un sentiment passionné, l’a exaspéré enfin jusqu’à la plus funeste résolution. Une lettre de l’avocat se prête merveilleusement à ce mensonge. Césarine est vaincue. Elle brûle de donner à Edmond un prompt témoignage d’intérêt, et en même temps une preuve de sa toute-puissance. Son amant désire la députation ? il l’obtiendra, et le jour même. L’engagement est téméraire. Tout est préparé pour le succès d’Oscar, qui vient lui-même chercher le pair de France, pour le conduire au collége électoral dont il est le président. Césarine alors commence l’attaque. Elle témoigne à son cousin un dévouement si tendre, rappelle des souvenirs d’enfance avec un abandon si perfide, que le vieux mari, piqué au vif, dresse l’oreille, se démène en grondant sur son fauteuil, cède enfin à un accès de dépit jaloux. Oscar a perdu son plus puissant soutien. Cette révolution si vive, si franchement comique, n’assure pas encore le succès d’Edmond. Césarine prie un mi-