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seulement indiquée dans quelque note, mais sans en rien tirer. Duclos, en un mémoire d’ailleurs assez léger, lu à l’Académie des Inscriptions[1], avait dit en propres termes : « On peut faire une remarque sur nos anciens écrivains, soit en vers, soit en prose, c’est qu’ils écrivent presque toujours les pluriels sans S, et qu’ils en mettent au singulier. » Marot, dans son édition de Villon, avait en note remarqué, à un endroit, que cet auteur mettait l’S au singulier, selon l’usage des vieux. Mais la raison philologique n’a été aperçue que par M. Raynouard, ce qui constitue la vraie découverte. Ses travaux sur la langue romane continuent donc dignement et avec éclat les travaux obscurs de Sainte-Palaye. Avec les écrits de M. de Sismondi sur les littératures du midi, avec le glossaire de M. de Roquefort, et les études de M. Wilhelm Schlegel (qui entretenait de nobles rapports scientifiques avec M. Raynouard), ils ont contribué à appeler enfin l’attention sur une littérature méconnue et à rendre une valeur réelle à la langue de nos pères. On peut avancer, sans qu’il y ait matière à contradiction, que M. Raynouard, le premier et le plus ingénieux de ceux qui se sont occupés de ces travaux, laisse à la science un nom qui ne périra pas. Ce que Cuvier fit pour les fossiles, l’auteur de la Grammaire romane l’exécuta pour la littérature provençale.

Ces nobles et sévères recherches, ainsi que les soins du secrétariat de l’Académie française, occupèrent M. Raynouard pendant toute la première portion de la restauration. Cependant le droit municipal et le grand mouvement communal du xiie siècle, sur lequel les savans travaux de M. Augustin Thierry avaient attiré l’attention, le préoccupaient dès long-temps, et il avait amassé sur ce point une foule de textes et de documens. Les projets de réforme municipale, sous le ministère Martignac, furent une occasion politique pour M. Raynouard de publier le résultat de ses travaux[2]. On ne peut méconnaître que, venant après MM. Parent-Réal et Dufey, et surtout après le remarquable livre de M. Leber, il n’ait mieux établi que ses prédécesseurs la perpétuité du régime municipal romain dans les villes du sud, et même à Reims et à Paris. Mais il est impossible, ce nous semble, de suivre plus loin M. Raynouard, et les conséquences systématiques auxquelles il arrive, nous paraissent, nous l’avouons, beaucoup trop exclusives et absolues. Les travaux d’Hulmann et de Mlle de Lézardière avaient déjà mis en lumière la conservation incontestable d’une partie des institutions romaines dans le midi ; mais ce qu’il y a de vrai et de rigoureusement admissible en ce sens se trouve dans les savantes recherches de M. de Savigny. M. Raynouard,

  1. Sur l’origine et les révolutions de la langue française, janvier 1741.
  2. Histoire du droit municipal en France sous les trois dynasties, 1829, 2 vol. in-8o.