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LETTRES SUR L’ISLANDE.

à toutes les batailles, et planent sur tous les champs de mort. Quand le jour du combat est venu, quand le cri de guerre résonne à leur oreille, elles quittent à la hâte leur demeure céleste, et chevauchent dans les airs ; leurs grands yeux bleus étincèlent de joie ; leurs cheveux blonds flottent au gré du vent. Sur leur tête brille le casque d’or ; sur leur poitrine, le soleil éclaire une armure sans tache, et leur cheval ardent bondit, secoue son frein d’acier, et baigne la terre d’écume. Les valkyries se mêlent aux bataillons de soldats, raniment leur ardeur, prolongent leur défense, et recueillent, le soir, les ames des braves pour les emporter au ciel.

L’enfer des Scandinaves s’appelle Niflheim : c’est un lieu ténébreux, relégué au fond du Nord, traversé par neuf fleuves qui ne roulent qu’une eau noire et bourbeuse. Une nuit éternelle l’environne, et on y arrive par des chemins obscurs. Quand Honnodr y descendit pour chercher son frère Balder, il traversa, pendant neuf nuits, des vallées sombres et silencieuses. Tous les lâches descendaient dans cette triste demeure, mais l’Edda ne parle point des tourmens qu’on leur faisait endurer. Les autres peuples du Nord se représentaient l’enfer de la même manière. Les Lapons, en enterrant leurs morts, avaient coutume de mettre à côté d’eux une pierre à fusil, afin qu’ils pussent s’éclairer dans le ténébreux sentier qui conduit à l’autre monde. Une tradition finoise rapporte qu’une femme gémissait un jour sur la perte d’un de ses enfans ; son mari meurt, et elle s’écrie avec un sentiment de consolation : « Il est fort, lui, et il pourra conduire mon pauvre enfant dans le pays des ames ! »

J’ai indiqué la hiérarchie des dieux comme elle se trouve dans l’Edda. Ces dieux représentent l’ordre moral, la sagesse suprême, la justice éternelle. Mais en face d’eux s’élève Loki, le génie du mal. Là s’arrête l’unité religieuse, et le dualisme commence. Loki est le Typhon, l’Ahriman de cette mythologie. Par sa naissance, il appartient à la race perverse des géans ; par son intelligence et sa beauté, il est semblable aux dieux ; par ses vices, il est le premier des esprits infernaux : il aime le mal pour le mal ; le crime lui sourit, la vengeance est pour lui une volupté. Démon spirituel, Protée habile, souple dans ses actions, insinuant dans ses paroles, il revêt toutes les formes, et module, sur tous les tons, le mensonge et la flatterie. Les dieux se servent parfois de lui, car il est adroit et rusé. Mais il se joue des dieux en les servant, et la haine qu’il leur porte est implacable. Sa femme, Signie, lui donna deux fils ; et il enfanta, avec la fille d’un géant, trois êtres monstrueux : le serpent Midgard, qui,