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LAZARE.

Westminster ! Westminster ! dans ton temple de paix
Mes pâles ossemens descendront-ils jamais ?

Ô grande ombre, ta plainte est lugubre et profonde.
Ah ! je sens que durant ton passage en ce monde
Tu fus comme un lion traqué dans les forêts,
Que fatiguant en vain de vigoureux jarrets
Partout où tu passas dans ta fuite divine,
Ta noble peau s’ouvrit au tranchant de l’épine,
Et tes crins tout puissans restèrent aux buissons ;
Partout il te fallut payer tes larges bonds,
Et ton cœur généreux entr’ouvert sur le sable
Versa jusqu’à la mort un sang inépuisable.

Mais pourquoi fallut-il, ô poète hautain !
Avant de fermer l’œil à l’horizon lointain,
De rendre aux élémens ta sublime poussière,
Que le glaive doré de ta muse guerrière
Dans le sein du pays et dans son rude flanc
Avec un rire amer pénétrât si souvent ?
Ah ! pourquoi reçut-il une blessure telle
Qu’il en pousse toujours une clameur mortelle,
Et que la plaie en feu, difficile à guérir,
Au seul bruit de ton nom semble toujours s’ouvrir !

Byron ! tu n’as pas craint, jeune dieu sans cuirasse,
D’attaquer corps à corps les défauts de ta race,
De toucher ce que l’homme a de mieux inventé,
Le voile de vertu par le vice emprunté ;
D’une robuste main, hardiment et sans feinte,
Tu mis en vils lambeaux la couverture sainte
Qui pèse sur le front de la grande Albion
Plus que son voile épais de brume et de charbon,
Le manteau qu’aujourd’hui de l’un à l’autre pôle
Le pâle genre humain va se coudre à l’épaule.

Le drap sombre du Cant est tombé sous tes coups.