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BEDLAM.

Ah ! la mer est terrible au fort de la tempête,
Lorsque levant aux cieux sa vaste et lourde tête,
Elle retombe et jette aux peuples consternés
Des cadavres humains sur des mâts goudronnés ;
L’incendie est terrible autant et plus encore,
Quand de sa gueule en flamme il étreint et dévore
Comme troupeaux hurlans les immenses cités.
Mais ni le feu ni l’eau dans leurs lubricités
Et les débordemens de leur rage soudaine,
D’un frisson aussi vif ne glacent l’âme humaine
Et ne serrent le cœur, autant que le tableau
Qu’offrent les malheureux qui souffrent du cerveau,
L’aspect tumultueux des pauvres créatures
Qui vivent, ô Bedlam ! sous tes voûtes obscures !

Quel spectacle en effet à l’homme présenté,
Que l’homme descendant à l’imbécillité !
Voyez et contemplez ! Ainsi que dans l’enfance
C’est un torse tout nu retombant en silence
Sur des reins indolens, — des genoux sans ressorts,
Des bras flasques et mous, allongés sur le corps
Comme les verts rameaux d’une vigne traînante ;
Puis la lèvre entr’ouverte et la tête pendante,
Le regard incertain sur le globe des yeux,
Et le front tout plissé comme le front d’un vieux ;
Et pourtant il est jeune. — Oui ; mais déjà la vie,
Comme un fil, s’est usée aux doigts de la Folie ;
Et la tête, d’un coup, dans ses hébêtemens.
Sur le reste du corps a gagné soixante ans.