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REVUE DES DEUX MONDES.

Et peut-être bien fou, contre une telle masse
D’aller heurter mon frêle esquif ;

Je sais que bien souvent, ô puissante Angleterre !
Des rois et des peuples altiers
Ont vu leurs armemens et leur grande colère
Se fondre en écume à tes pieds.

Je connais les débris qui recouvrent la plage,
Les mâts rompus et les corps morts ;
Mais il est dans le ciel un Dieu qui m’encourage
Et qui m’entraîne loin des bords.

Ô toi ! qui du plus haut de cette voûte ronde,
D’un œil vaste et toujours en feux,
Sondes les moindres coins des choses de ce monde
Et perces les plus sombres lieux,

Toi qui lis dans les cœurs de la famille humaine
Jusqu’au dessein le plus caché,
Et qui vois que le mien par le vent de la haine
N’est pas atteint et desséché ;

Ô grand Dieu ! sois pour moi ce que sont les étoiles
Pour le peuple des matelots ;
Que ton souffle puissant gonfle mes faibles voiles,
Pousse ma barque sur les flots ;

Écarte de mon front les ailes du vertige,
Éloigne cet oiseau des mers
Qui tout autour des mâts se balance et voltige ;
Et, dans le champ des flots amers,

Quelles que soient, hélas ! les choses monstrueuses
Dont mon œil soit épouvanté,
Oh ! maintiens-moi toujours dans les routes heureuses
De l’éternelle vérité.