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et aux convictions dont il veut se faire l’interprète, s’il apportait dans ses harangues et dans ses agressions un esprit plus positif et plus pratique, s’il imitait un peu le tact et la modération de M. de Noailles que M. Guizot a félicité avec affectation de sa parfaite justesse d’esprit. M. Guizot aime beaucoup les adversaires comme M. de Noailles ; ils le font valoir ; il se donne le plaisir de leur enseigner comment il faut entendre la liberté et les doctrines constitutionnelles ; il a pour eux des paroles élogieuses et bienveillantes, réservant à d’autres adversaires son amertume et son ressentiment.

Au surplus, on ne pouvait aborder, à la chambre des pairs, que les préliminaires de la question espagnole, qui ne devait être vraiment traitée que dans le discours du chef du ministère du 22 février. Toutefois la discussion n’a pas été sans intérêt. M. de Broglie a expliqué avec une heureuse lucidité les caractères de l’intervention et de la coopération d’après les principes du droit des gens, et il a montré avec loyauté jusqu’à quel point le ministère du 11 octobre qu’il présidait, était entré dans la coopération. Il est toujours plus avantageux pour le talent de M. de Broglie de parler à côté d’un ministère qu’au nom du pouvoir même ; son esprit a besoin de l’indépendance d’une dissertation désintéressée. On a peine à concevoir comment M. le maréchal Soult a pu qualifier de honteuse la coopération que la France pouvait prêter à l’Espagne. Il a donc oublié ses propres actes, le général Solignac envoyé en Portugal ; la coopération était alors franche et ouverte, elle était du fait de M. Soult, qui apparemment à cette époque ne l’estimait pas honteuse. Il est fâcheux que le maréchal ait montré un empressement si maladroit à briguer la faveur de la cour et du ministère. M. le duc de Dalmatie ne devrait pas oublier que portant le premier nom militaire du pays, et pouvant à chaque moment devenir un homme nécessaire, il doit mettre dans ses paroles plus de sens et de réserve.

Déjà même à la chambre des pairs les divisions et la rivalité de MM. Molé et Guizot ont éclaté. M. Molé s’est dit à la tribune le continuateur du système du 22 février, et M. Guizot a imposé au Moniteur l’omission de cette phrase. M. Molé a protesté de son adhésion à l’alliance anglaise, et M. Guizot, en répondant à M. de Noailles, a déclaré que le ministère mettait tous ses soins à donner à la quadruple alliance le moins de portée possible ; c’est ce qu’il a appelé faire preuve de liberté. Nous verrons dans quelques semaines comment le cabinet whig répondra à ce commentaire carliste d’une alliance qui avait été faite dans l’intérêt des libertés de l’Europe.

Les débats de la chambre élective ne sont ouverts que depuis deux jours, et déjà deux fois le ministère a vu une majorité se lever contre lui. L’épisode le plus piquant de la discussion générale a été le discours de M. Duvergier de Hauranne, qui semble vouloir prendre l’habitude de clouer à chaque session une espèce de préface, macédoine satirique dont il fait pleuvoir les traits sur toutes les parties de la chambre. M. de Hauranne ne manque ni de talent ni d’esprit, mais son talent paraît ne pouvoir trouver d’autre forme qu’une sorte de taquinerie pointilleuse, et ce n’est jamais qu’avec aigreur qu’il se montre spirituel. Il a transporté