La ville actuelle de Seringapatam est si déserte, que sa population, réfugiée à son centre autour d’un méchant bazar, ne dépasse point 800 habitans ; tous ses autres quartiers, qui pouvaient en faire une cité de 40,000 ames, sont entièrement saccagés et bouleversés : on rencontre à chaque pas des pans de murs délabrés. Le palais du sultan est dans l’état le plus pitoyable ; en le parcourant en tous sens, j’ai pu cependant reconnaître une grande salle basse surmontée d’une large tribune où siégeait Tippoo lorsqu’il donnait des audiences solennelles et voulait s’environner de tout l’éclat de la magnificence asiatique. Je retrouvai aussi la distribution de ses appartemens intérieurs, du logement de ses femmes, des salles de ses gardes. Sur les murailles d’un de ses cabinets, j’ai même aperçu quelques peintures à fresque fort mal dessinées par des mains européennes, et représentant des batailles du sultan, ainsi que son entrevue avec lord Cornwallis. Les cours sont occupées par de longues rangées de canons en fer de tout calibre qui, autrefois, garnissaient les remparts.
En sortant de ces ruines, j’emportai avec moi l’idée de la grandeur des infortunes de cette race royale, et du respect qu’a conservé le peuple pour sa mémoire. Deux heures après, par une course rapide, j’entrais dans la capitale actuelle du Mysore, où l’ancienne dynastie, replacée sur le trône, est censée régner, tandis que le gouvernement réel est concentré à Bangalore dans les mains d’un simple colonel : toutes les affaires administratives du pays sont confiées à sa sagacité et à son mérite. Il y a aussi à Mysore un autre colonel ayant le titre de résident politique, et dont les fonctions consistent à surveiller la personne du roi hindou : de telle sorte que le prince, sous cette double tutelle, se trouve entouré d’un conseil de famille qui gère toutes ses affaires.
En 1799, lorsque les alliés, c’est-à-dire les auxiliaires d’Hyderabad et de Poonah, eurent fait avec la Compagnie le partage convenu d’avance de toutes les conquêtes et dépendances du Mysore, le soin de veiller au maintien de la paix dans l’ancien royaume échut aux Anglais ; et ceux-ci, résolus d’écarter à tout jamais du trône la race usurpatrice qui avait succombé en déployant contre eux tant de bravoure et de haine, parvinrent à découvrir un jeune rejeton de trois ans auquel ils remirent le sceptre hindou de ses pères. Voilà une restauration légitime dans l’Inde, dont les Anglais sont les premiers et singuliers moteurs.
Je savais que le radjah-kistna-raji-oudawer avait perdu l’habitude de recevoir des étrangers ; cependant l’hospitalité qui, durant mon séjour à Mysore, m’était noblement accordée chez le résident, m’encouragea à faire un appel à sa courtoisie pour essayer de satisfaire ma curiosité ; je le priai en conséquence de m’obtenir une audience royale. Le prince, après avoir fait attendre sa réponse, s’excusa sur son état fréquent de