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Les Anglais prétendent qu’ils ont reconnu la supériorité de cette méthode d’accoutumer leur cavalerie à toutes les intempéries de l’air, et qu’ils perdent beaucoup moins de chevaux que dans les écuries de nos quartiers européens.

La route de Bangalore à Seringapatam offrant peu d’intérêt, je me décidai à changer, pour cette distance seulement, mon mode de voyager. Mon séjour à Bangalore et la galanterie anglaise m’avaient mis à même de faire prévenir de mon passage, et en vingt heures je fus transporté d’une ville à l’autre, après avoir parcouru quatre-vingts milles (plus de vingt-cinq de nos lieues) d’une manière aussi leste qu’agréable. Dans mon palanquin, porté par de vigoureux Mysoréens, j’avais couru la poste du pays nommée tappal, et je n’avais eu qu’à me féliciter de l’extrême rapidité de cette marche ainsi que des égards et de la ponctualité que je rencontrai partout sur ma route, grâce aux recommandations de l’autorité anglaise. Singulier service de malle-poste ! Qu’on se figure, à chaque station de dix milles, des relais humains, attendant l’heure de votre passage, disposés et équipés d’avance pour la course et prêts à vous enlever à l’instant même où leurs camarades, après avoir fourni leur carrière, s’arrêtent tout haletans et couverts de sueur.

Ce fut un soir du mois de novembre, à la chute du jour, que j’arrivai à Seringapatam. Les souvenirs historiques que j’avais déjà recueillis, fortifiés de cette impression profonde que cause la vue de la scène où les événemens se sont passés, m’accompagnaient dans cette capitale tombée qui les résumait tous. Je venais de traverser des sites mieux cultivés, plus variés et plus rians que tous ceux que j’avais vus jusqu’alors. Le dattier se faisait remarquer dans les champs ; enfin le Cavéri, répandu dans de nombreux canaux, m’arrêtait par ses circuits divers, lorsque dans le lointain, Seringapatam, éclairée des derniers rayons du soleil, s’offrit à moi avec un singulier aspect de grandeur. Sa belle position sur une colline à l’issue inférieure de la vallée fait ressortir ses masses de ruines, restes de fortifications imposantes, et frappe l’imagination du voyageur qui a déjà entendu s’échapper de toutes les bouches les noms de Hyder-Aly et de Tippoo.

J’allai me loger en dehors de la ville, à une portée de fusil de ses remparts, dans une habitation charmante, quoiqu’elle ne soit plus qu’un débris effacé de la magnificence du sultan Tippoo-Saïb, et qu’elle serve aujourd’hui de bungalow aux voyageurs européens. Le sultan avait fait bâtir cette maison de plaisance et aimait à s’y reposer. La forme de ce palais est celle d’un beau pavillon carré, précédé sur ses quatre faces d’une large galerie et d’un péristyle de plusieurs marches ; les pilastres de la galerie, les fenêtres et les portes intérieures sont d’un style moresque très