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LE MYSORE.

reçu avec une grande bienveillance par le général qui commandait la garnison. C’est le plus considérable des cantonnemens permanens des Anglais dans l’intérieur de la péninsule. Les casernes en sont réellement magnifiques et toutes disposées sur une seule ligne, devant un superbe terrain de manœuvres, dont elles forment un des côtés ; la façade correspondante est occupée par un temple anglican, par de jolies habitations réservées aux principales autorités et aux officiers supérieurs, et par une salle de concert où l’on entend de la musique militaire à l’heure des promenades. Vers l’une des extrémités de ce Champ-de-Mars, qui a une lieue de longueur, on trouve encore, comme dans tous les établissemens anglais, un bel emplacement pour les courses de chevaux, qui sont assez fréquentes. L’autre extrémité mène à la ville noire, c’est-à-dire toute indienne (la Pettah, en langue du pays). Sa population nombreuse, ses bazars sont tout un monde à part et sans aucun rapport avec la colonie européenne. L’habitude constante des Anglais est de se répandre dans la campagne, et d’offrir en dehors d’une cité indigène l’apparence d’un vaste campement. Au-delà de la Pettah, et à quatre milles du cantonnement, est situé le fort, dont les remparts en pierre sont d’une médiocre défense. Il serait facile, au contraire, de profiter, en guise de fortifications, des larges fossés dont la ville noire est entourée, et sur lesquels sont jetées quelques chaussées étroites, nécessaires pour conduire, par des détours, aux différentes portes. Des bambous, des cactus et une multitude de ronces impénétrables, remplissent ces fossés et s’élèvent à une hauteur qui masque la Pettah. Toute espèce de projectile doit aller mourir dans cet épais fourré, à l’épreuve de la plus grosse artillerie, et je doute même que le feu put prendre au milieu de broussailles d’une nature aussi vivace. Ces remparts naturels, qui m’ont frappé, sont communs à beaucoup d’anciennes villes de la contrée. J’ai également suivi assez souvent de petits chemins tortueux et bordés de cactus, dont les deux murailles de verdure avaient sept à huit pieds d’élévation, et servaient de défilé à l’entrée des villages.

Le cantonnement renfermait, à l’époque de mon passage, deux régimens d’infanterie européenne, quatre de cipayes, trois compagnies d’artillerie, partie à cheval, partie attelée de bœufs, et deux régimens de cavalerie, dont l’un de dragons du roi, et l’autre d’indigènes. Tous ces régimens étaient fort beaux, parfaitement habillés, et les deux derniers supérieurement montés. La plupart de leurs chevaux vaudraient en France plus de 1,000 francs chaque ; ils sont constamment tenus au piquet, quelque temps qu’il fasse, et pendant toutes les saisons de l’année. On les attache par les pieds de derrière, avec de longues cordes fixées en terre, selon l’usage du pays ; ils restent toujours ainsi parqués par compagnies.