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LE MYSORE.

lui-même, comme bête de somme, et le chameau, en font quelquefois partie. Si votre équipage est plus modeste que celui de votre compagnon de route, vous ferez bien de ne point vous reposer à la même halte. Le bruit et le mouvement qui se font autour de lui ne vous laissent aucun espoir de rien obtenir des gens du pays : les chétives ressources de l’endroit sont toutes à sa disposition. Je me souviens de certain potentat, un colonel, je crois, que j’eus le malheur de rencontrer établi avant moi dans un bungalow. Il y était si formidablement campé, que tout partage de gîte me fut refusé, et je fus obligé de me loger à la belle étoile pendant tout le temps de mon séjour à Sattarah ; c’est l’ancienne capitale des Mahrattes, et je ne voulais pas passer outre sans la visiter. Il est encore une autre manière de voyager dans l’Inde ; et, quand on ne tient pas à explorer le pays, on l’adopte généralement comme beaucoup plus expéditive. L’on prévient, plusieurs jours à l’avance, la direction des postes de l’instant précis de son départ, et par les soins du kotall (chef des porteurs) l’on trouve dans chaque station principale les moyens de poursuivre sa route sans retard. Mais outre que cette voie est très coûteuse, il n’est permis de s’arrêter dans aucun endroit.

Ni l’un ni l’autre de ces modes de voyager ne me convenait. Je voulais marcher plus vite que les uns, moins rapidement que les autres, et conserver la faculté de tout voir. Un modeste palanquin, quelques coffres légers, façonnés exprès pour être portés devant moi, selon l’usage du pays, formèrent mon bagage. C’est ainsi que, réduit au strict nécessaire, et escorté de vingt-cinq hommes employés journellement à mon service, j’ai parcouru une grande partie du sud de l’Inde. Il faut, pour triompher en voyage de la paresse naturelle de ces Indiens, plus d’énergie encore que pour surmonter les difficultés innombrables de la route ; les brûlantes ardeurs du soleil pendant le jour, les suites de la fraîcheur des nuits dont il est souvent impossible de se garantir, les redoutables fièvres qui ont envahi de nombreuses localités, et dont l’atteinte devient si promptement mortelle ; toutes ces entraves du voyage disparaissent devant la lutte incessante qu’il faut soutenir contre l’apathie indienne. Je suis même convaincu que cette apathie, si conforme au caractère des indigènes, devient chez eux un calcul à l’égard des Européens. C’est leur vengeance, et elle est merveilleusement servie par l’esprit rusé, fin, délié, fécond en expédiens, de ces peuples. Chaque jour ce sont de nouveaux subterfuges qu’on vous prépare. Que de fois j’ai surpris mes indisciplinés hamall méditant entre eux un moyen d’arrêter ma marche ! Je les voyais ensuite venir à moi et m’annoncer, avec toute l’apparence de la bonne foi, l’impossibilité où ils se trouvaient d’aller en avant. C’était à qui donnerait les meilleures raisons ; et je me plais à leur rendre justice,