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Manifeste qui se nient l’un l’autre, l’auteur est-il en voie de progrès ou de décadence ? Nous sommes assez prévenus que ce n’est pas là une question dont on doive s’inquiéter dans le rapprochement des opinions émises par M. Janin à des époques différentes. Les idées n’ont chez lui aucune valeur systématique, aucune filiation logique. Ce sont des canevas sur lesquels il jette les broderies de son imagination, et qu’il prend au hasard selon sa fantaisie ou les besoins du moment. C’est la toile sur laquelle il peint : rien de plus. Peu lui importe la valeur intrinsèque de sa toile ; son pinceau, en l’ensevelissant sous les couleurs, la dépouille de cette valeur et lui en donne une autre, dût-elle y perdre. Il y a mouvement et mouvement perpétuel dans les idées de M. Janin ; mais chez lui le mouvement n’implique nullement le progrès ou son contraire.

Bon nombre des articles qu’il a publiés dans la Revue de Paris, dans ses Contes nouveaux ou ailleurs, se rattachent à des études sur le xviiie siècle. Le xviiie siècle enseveli sous sa révolution, comme Pompéi sous son volcan, en a été retiré par M. Janin tout poudré, tout musqué, plus poudré, plus musqué peut-être qu’il n’avait jamais été de son vivant. M. Janin l’a frotté, restauré des pieds à la tête et dans tous les sens, depuis Diderot jusqu’à Beaumarchais, depuis Mirabeau jusqu’au marquis de Sade, depuis Fréron jusqu’à Voltaire, depuis Mme de Pompadour jusqu’à Marie-Antoinette, depuis l’Encyclopédie jusqu’à la charade du Mercure, depuis le boudoir de la danseuse jusqu’au grenier de Jean-Jacques, depuis le Sofa de Crébillon fils jusqu’à l’échafaud du comité de salut public. Il a essayé de remettre sur ses pieds ce monde ivre de joies sensuelles, de paradoxes et de sang ; il nous l’a fait voir la volupté sur les lèvres et la mort dans le cœur. Puis, cette série de petits tableaux dans lesquels son pinceau avait étincelé d’abord, n’ayant pas épuisé le rose et le noir préparés sur sa palette, il a plaqué et brouillé ce qui lui restait sur une grande toile, et à tout hasard il a appelé le produit de cette opération Barnave

Qu’est-ce que Barnave ? C’est un prince allemand qui quitte l’Allemagne dans un moment de caprice subit et inexplicable, qui vient en France pour voir sa cousine Hélène ; qui, à peine arrivé, y oublie sa cousine Hélène pour une sensation qu’il a ébauchée à l’Opéra ; qui y reste, non plus pour sa cousine Hélène, mais pour compléter sa sensation. Voilà le roman qui s’intitule Barnave. L’in-