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LITTÉRATURE CATHOLIQUE.

Cette renaissance, qui n’a plus à s’appliquer à la lettre de l’antiquité, va au fond, à l’esprit des temps, remonte plus haut que la Grèce, ne s’arrête plus à la décadence de Rome : en particulier, elle a pour objet le moyen-âge, toute cette époque dont l’oubli et le rejet avaient été une condition de la renaissance aux xve et xvie siècles. Nous voilà donc embrassant, par l’esprit et par l’étude, toute la série des âges qui ont précédé, nous faisant miroir le plus étendu et le plus varié qu’il est possible, reproduisant chaque chose à sa manière et à la nôtre ; une époque alexandrine et trajane au complet ; une espèce de musée de Versailles où tout a place, depuis les groupes mythologiques d’Apollon et de Latone jusqu’au bon maréchal de Champagne et à Boucicault ; une renaissance, encore un coup, par tous les points et sur tous les bords.

Et ceci ne laisse pas d’être une originalité qui aurait bien son prix, et qu’il ne faudrait pas trop mépriser, à défaut d’autres. Je me figure quelquefois le jeune siècle comme un aventureux jeune homme qui s’est mis en route de bonne heure pour faire son tour du monde, pour y bâtir un temple de Delphes ou une cathédrale de Reims incomparables. Seulement il veut choisir l’emplacement le plus beau ; il veut tout voir auparavant, afin, plus tard, de tout surpasser. Il va donc, regarde, apprend, étudie, fait des plans de temple et les défait, et marque, le long du chemin, tous les marbres les plus précieux qui lui doivent servir. Hélas ! le temps se passe, des difficultés surviennent, des troubles à l’intérieur du pays ; et puis, la diffusion de l’esprit nuit à l’œuvre, la science opprime un peu le nerf de l’art. Bref, le jeune siècle, déjà un peu vieilli, s’en revient, rapportant… quoi ? des échantillons de tous ces beaux marbres qu’il a vus, des plans, des fac-simile de toutes ces belles cathédrales qu’il voulait surpasser, et il forme un cabinet de dessins parfaits, de reliefs d’ivoire, ou encore un cabinet de minéralogie, d’où il résulte aussi toutes sortes de lumières. Eh bien ! n’y a-t-il pas là un trésor, ce trésor même de la fable de La Fontaine, que recommandait le père mourant à ses fils ? Le trésor, c’est que le champ ait été en tous sens labouré. Mais il y a plus. M. Cousin a très bien remarqué, dans sa préface du Sic et non, que le propre de la renaissance du xiie siècle avait été, pour la philosophie, d’être excitée déjà suffisamment, et non opprimée encore, comme le xvie par l’antiquité. Cela eut lieu aussi pour